La chimie, longtemps considérée comme un art plutôt qu’une science, commence à se structurer avec les travaux de Lavoisier. Mais ce sont les tentatives de classification des éléments chimiques, notamment celle de Mendeleïev et sa loi périodique, qui permirent de confirmer son statut de science.

UNE CHIMIE DÉSORDONNÉE

Jusqu’au xvii Ie siècle, la chimie est pour le moins désordonnée. Elle est davantage considérée comme un art, à rapprocher de l’alchimie, que comme une science. Ce qui va véritablement la fonder en tant que science sont les travaux d’Antoine Lavoisier, qui propose une nouvelle définition de l’élément chimique et une nouvelle nomenclature. Dans cette nomenclature, Lavoisier recense 33 noms pour les substances simples (comme le cuivre ou le souffre) et quelques gaz qui venaient d’être caractérisés. Il offre ainsi à la chimie un statut réellement scientifique avec sa nomenclature, des méthodes de chimie analytique et même une loi de conservation. Les progrès qui suivront feront ressentir aux chercheurs le besoin d’une classification efficace des éléments chimiques. Il faut désormais décomposer, identifier, nommer et classer. La réaction chimique devient un puissant outil d’analyse et de découverte. Toute la première moitié du xixe siècle verra de nombreuses tentatives de classification.

LE TABLEAU DE MENDELEÏEV

Une légende est attachée à la construction du tableau périodique des éléments de Mendeleïev. Elle raconte que Mendeleïev tenta, pendant la journée du 1er mars 1869, de finaliser sa classification des éléments. En vain. De nombreux brouillons ont été retrouvés, montrant ses différentes tentatives afin de classer les 63 éléments connus à l’époque. Et puis, cette légende prétend que la version finale de la classification lui serait apparue en rêve et qu’il l’écrivit d’une traite le lendemain matin. Quoi qu’il en soit de la véracité de ce récit, la classification de Mendeleïev, même si elle est sans doute inspirée des travaux de l’époque sur la même question, est le travail le plus abouti et servira de base de travail à tous les chimistes pendant de nombreuses années. Cette première classification sera perfectionnée dans un article de 1871. Elle contient tous les fondements théoriques de la classification que nous connaissons aujourd’hui, et plus particulièrement la notion de périodicité.

LA LOI PÉRIODIQUE

Comme ses prédécesseurs, Mendeleïev s’intéresse plus à la recherche d’une loi générale qu’à celle d’une simple classification. En effet, la loi générale permet la prévision de nouveaux éléments et la correction des poids atomiques. En 1869, il met un point final à cette fameuse loi périodique: « Les propriétés des corps simples et composés dépendent d’une fonction périodique des poids atomiques des éléments, pour la seule raison que ces propriétés sont elles-mêmes les propriétés des éléments dont ces corps dérivent. » Mendeleïev la considère comme beaucoup plus importante que son tableau. Il apporte ici une distinction fondamentale entre corps simple et éléments. Un corps simple est quelque chose de matériel, doué de propriétés physiques et capable de réaction chimique tandis que les éléments sont des particules matérielles qui forment les corps simples. Mendeleïev prévoit la place pour des éléments encore inconnus à l’époque (préfixe « Eka »). Ainsi l’Eka-Si li c i u m désigne le futur Germanium.

LES ÉLÉMENTS DU TABLEAU

Le tableau de Mendeleïev est la première représentation cohérente de l’ensemble des éléments. En classant les éléments selon leur masse atomique, il vit apparaître une périodicité de certaines propriétés des éléments. Le tableau fut donc conçu de manière à rendre compte de cette périodicité. Les éléments y sont classés verticalement et les rangées horizontales sont constituées des éléments d’une même famille. Pour pouvoir appliquer la loi périodique qu’il estimait fondamentale, il dut laisser certaines cases vides. Il était convaincu qu’un jour ces cases vides, correspondant aux masses atomiques 45, 68, 70 et 180, ne le seraient plus. Les découvertes futures allaient confirmer cette conviction. Il réussit même à prévoir les propriétés chimiques de trois éléments manquants en se basant sur les propriétés des quatre voisins. Entre 1875 et 1886, ces trois éléments que sont le gallium, le scandium et le germanium, furent découverts et ils possédaient bien les propriétés prédites.

LA DÉCOUVERTE DE NOUVEAUX ÉLÉMENTS

Si, lors de sa découverte, le tableau de Mendeleïev comportait 63 éléments, il en compte aujourd’hui 103. La découverte récente par une équipe de chercheurs japonais du 113e élément du tableau n’a pas encore été confirmée. Si certains gaz étaient déjà prévus par Mendeleïev lui-même, la découverte des gaz rares à la fin du xixe siècle posa plus de difficulté. En effet, l’argon, découvert en 1894, et le néon, en 1898, n’ont pas de place prévue dans le tableau. Ces gaz rares, caractérisés par leur composition en éléments à couche électronique externe saturée, sont inertes, donc impossibles à mettre en évidence à l’époque. La solution à ce problème sera apportée par le Hollandais Anton von den Broek en 1913, qui organise le classement en numéro atomique plutôt qu’en masse atomique. De nombreux perfectionnements furent apportés au tableau de Mendeleïev après sa parution et il demeure encore aujourd’hui des questions résoudre, comme celle des atomes artificiels à numéro atomique élevé .

À RETENIR

La chimie, à l’image de l’alchimie, était, jusqu’au xvi i Ie siècle, davantage considérée comme un art que comme une science. Les travaux d’Antoine Lavoisier vont changer les choses et donner à la chimie un statut véritablement scientifique. Mais les nouvelles méthodes de chimie analytique vont démultiplier le nombre d’éléments, qu’il va falloir alors classer. La classification la plus aboutie est celle de Mendeleïev. Sa loi périodique associée à son tableau est devenue la base du travail des chimistes et continue à être améliorée aujourd’hui.