Si l’on peut considérer que le capitalisme et le libéralisme trouvent leur origine dans les travaux d’Adam Smith, on ne peut pas toutefois les confondre. Selon que l’on insiste sur l’une ou l’autre de leurs bases théoriques, ils peuvent parfois se combiner, mais aussi s’opposer, voire entrer en conflit.

ACCUMULATION DU CAPITAL

Une erreur relativement courante est d’assimiler les termes « capitalisme » et « libéralisme ». Ces deux courants de pensée, basés sur des principes d’efficience économique tout à fait différents, peuvent se rejoindre et se compléter, mais aussi s’affronter, voire entrer en conflit. Le capitalisme est basé sur la recherche du profit et sur l’accumulation du capital. Adam Smith, philosophe et économiste du xvme siècle, est considéré comme le père du capitalisme. Les capitalistes transforment une partie de la plus-value produite en capital. Ils le consacrent à étendre les anciennes exploitations et à en bâtir de nouvelles, mais également à accroître leur appareil de production et l’armée ouvrière sous leur commandement. Marx appelle cette transformation d’une partie de la plus-value en capital, l’accumulation du capital. Plus le développement capitaliste se poursuit, plus la part de la plus-value consommée par les capitalistes s’amoindrit et plus grande devient celle qu’ils ont accumulée.
ÉGOÏSME RATIONNEL
D’un autre côté, le capitalisme s’appuie sur l’égoïsme rationnel des agents. L’idée est que, dans un échange librement consenti, les deux agents recherchent chacun leur avantage, mais cela ne peut avoir lieu que si chacun prend en compte le souhait de l’autre. Selon Adam Smith, c’est l’intérêt personnel et l’égoïsme rationnel qui peuvent amener à la prospérité économique. Ainsi, le capitalisme s’appuie sur un certain nombre de principes, plus ou moins accentués selon les types de capitalismes. Ces principes sont la propriété privée, qui permet aux individus de posséder des biens matériels et immatériels, l’intérêt personnel comme on l’a vu précédemment, la concurrence qui laisse libres les entreprises de pénétrer ou de quitter le marché, un mécanisme de marché qui détermine les prix de manière décentralisée par les interactions entre acheteurs et vendeurs, la liberté de choix en matière de consommation, de production et d’investissement et, enfin, le rôle limité des pouvoirs publics.
LE LIBÉRALISME
Les principes du capitalisme, selon la force qu’on leur donne, en définissent différents types. Plusieurs classifications ont été réalisées. La première établit deux grandes catégories de capitalismes. D’un côté, dans les économies de marché libérales, le marché concurrentiel prédomine et la production est essentiellement décentralisée, comme aux États-Unis ou au Royaume-Uni. De l’autre côté, on rencontre les économies de marché coordonnées qui échangent
des informations privées via des institutions indépendantes du marché, comme des syndicats et groupements professionnels, comme c’est le cas en Allemagne ou au Japon. Une autre classification, plus récente, a mis en évidence quatre types de capitalismes, basée sur le rôle joué par l’entrepre- nariat comme moteur de l’innovation. Elle met en exergue le capitalisme dirigé, le capitalisme oligarchique, le capitalisme de grandes entreprises qui exploite les économies d’échelle et le capitalisme entrepreneurial qui génère de grandes innovations.
CAPITALISME LIBÉRAL
De son côté, le libéralisme économique repose sur le principe des intérêts égoïstes et donc, l’efficience économique découle du libre-échange entre les agents. On retrouve ici la théorie de la main invisible d’Adam Smith. L’agent ne poursuit pas un but d’intérêt général lorsqu’il agit; dans ses actes, il agit librement, dans son propre intérêt. En agissant ainsi, il concourt pourtant à satisfaire l’intérêt collectif. Les intérêts personnels se confondent avec les intérêts de la société et se complètent les uns les autres. C’est donc à travers les échanges que l’économie générale fonctionne, grâce à une « main invisible », qui assure de manière abstraite les flux entre l’offre et la demande. Les agents peuvent donc pénétrer ou sortir du marché selon leur bon vouloir, ils possèdent un pouvoir de marché faible et ont une connaissance pure et parfaite du marché. On voit tout de suite qu’il existe des zones de chevauchement du capitalisme et du libéralisme, mais qu’ils ne sont pas synonymes.
ZONES DE FRICTION
La doctrine libérale prône donc l’existence d’un État minimal. Mais d’un État tout de même, car les marchés ne sont pas autosuffisants. Ils sont créés grâce à des institutions moins spontanées, telles qu’un droit des affaires, une constitution, des tribunaux, une police, etc. Si le capitalisme rejoint le libéralisme sur le rôle de l’État, il s’en éloigne profondément quant au rôle joué par les grandes entreprises. Ces dernières, élément central d’un système capitaliste, sont les « ennemies du marché » selon le libéral Milton Friedman. En effet, ces grandes entreprises possèdent un pouvoir de marché, c’est-à-dire qu’elles ont la possibilité d’imposer leurs prix aux consommateurs, d’autant plus s’ils sont captifs. On pense ici à des entreprises comme Apple ou Microsoft. Ces entreprises perturbent les lois du marché en ayant la possibilité de bloquer l’entrée de concurrents, en imposant leurs prix et en violant la loi de l’offre et de la demande. Le capitalisme peut donc être, parfois, antilibéral.
À RETENIR
• Le capitalisme et le libéralisme sont deux théories économiques qui, si elles peuvent parfois se combiner, peuvent également entrer en conflit. Trouvant leur source dans les travaux de Smith, elles reposent sur des principes premiers distincts, l’économie d’échelle pour la première et le libre-échange pour la seconde. Le rôle minimal joué par l’État dans l’économie est un point commun aux deux théories. Par contre, la position dominante des grandes entreprises, chère aux régimes capitalistes, peut être considérée comme une position antilibérale.