S’inspirant de la notion de cycle dans la nature ou dans les sciences, les économistes ont tenté de mettre en évidence l’existence de cycles économiques.

LA QUESTION DE L’EXISTENCE

L’idée de cycle est quelque chose d’assez naturel, que ce soit dans la vie de tous les jours, avec le cycle jour/nuit par exemple, ou en sciences, avec les phases de la Lune par exemple. En est-il de même dans le monde économique? Existe-t-il des cycles qui se répètent à plus ou moins longue échéance et qui permettraient de prédire les fluctuations des variables économiques? En effet, si de tels cycles existent, il devrait être possible d’exhiber des lois périodiques pour toutes, ou partie, des variables économiques. La succession ininterrompue des périodes de prospérité et de dépression dans les sociétés occidentales, à l’image de la France qui n’a connu pas loin de dix crises au cours du xix e siècle, pourrait laisser penser que des cycles existent bel et bien. Dans le cas contraire, les fluctuations ne seraient dues qu’à des accidents et aucune loi ne serait envisageable. De nombreux auteurs se sont attachés à démontrer l’existence de cycles économiques, avec plus ou moins de succès.

DÉFINITION D’UN CYCLE

Un cycle économique, quelle que soit sa durée, est défini par ses composantes. Le nombre de ces composantes varie selon les auteurs, schématiquement de deux à cinq. Dans le cas de deux composantes, les crises et les périodes de prospérité se succèdent. Prenons alors l’exemple d’un cycle économique découpé en quatre phases. La première phase est celle de la prospérité et de la surchauffe, qui aboutit à un point de retournement. Après ce point, la deuxième phase, celle de la crise et de la liquidation, débute. La troisième phase est celle de la basse conjoncture, de la dépression et aboutit sur le second point de retournement. Enfin, la dernière phase est celle de la reprise et de l’expansion et aboutit, en fin de cycle, au démarrage de la première phase. L’économiste britannique William Stanley Jevons ajoute une phase supplémentaire en distinguant dépression, rétablissement, prospérité, tension et crise, alors que le Français Clément Juglar n’en compte que trois, prospérité, crise et liquidation.

DIFFÉRENTS TYPES DE CYCLES

Beaucoup d’économistes ont tenté de mettre en évidence des cycles économiques. On retient aujourd’hui, essentiellement, trois types de cycles, classés selon leur durée et qui portent le nom de leur découvreur. Le cycle de Kitchin, dû au statisticien anglais Joseph Kitchin, a une durée de 40 mois. Celui de Juglar dure, lui, entre 8 et 10 ans. Enfin, celui de Kondratiev, mis en évidence par l’économiste russe Kondratiev, a une durée oscillant entre 50 et 60 ans. Ce dernier type a connu une forte postérité avec les travaux de Schumpeter et connaît un regain d’intérêt depuis une vingtaine d’années. Kondratiev expliquait ses cycles par le fait que le remplacement des grandes infrastructures relançait l’économie mais, une fois celles-ci renouvelées, l’économie tendait à ralentir. Enfin, on rencontre des cycles encore plus longs, comme les cycles hégémoniques qui ont une durée de vie de 150 ans environ et les cycles séculaires dont la durée de vie est comprise entre 150 et 250 ans.

MORPHOLOGIE D’UN CYCLE

Étudier un cycle économique, c’est-à-dire en décrire sa morphologie, revient à décrire le comportement des variables économiques, leurs fluctuations. Toutefois, le nombre de variables économiques étant relativement immense, les économistes préfèrent définir une variable centrale et étudier les autres variables par rapport à celle-ci. Le plus souvent, c’est la production industrielle qui est considérée comme variable centrale. Les différentes variables montrent alors des comportements qui peuvent soit être les mêmes que la variable centrale, soit avec des amplitudes différentes, soit encore avec des décalages dans le temps. Parmi les variables présentant des différences d’amplitude, on trouve, par exemple, le taux de chômage ou les taux d’intérêt. D’un autre côté, les anticipations des agents et la productivité du travail semblent en avance sur la production, alors que la durée moyenne du chômage, le stock des entreprises et la masse totale du crédit apparaissent comme des variables en retard.

EXPLICATIONS ENDOGÈNES OU EXOGÈNES

Une fois l’existence de cycles économiques mise en évidence, les économistes se sont attachés à en fournir des explications. On les classe en deux grandes catégories, exogène et endogène. Les explications exogènes vont chercher les causes des fluctuations économiques et la structure des cycles dans des domaines extra-économiques, alors que les approches endogènes s’intéressent à la structure et au fonctionnement du système économique lui même. Les phénomènes d’évolution des populations ou les progrès technologiques peuvent être des explications exogènes pour les cycles longs. Pour les cycles courts et moyens, les mécanismes politiques, comme les élections, sont des théories exogènes possibles. Les théories endogènes sont très nombreuses et chaque auteur en a avancé un certain nombre: crédit bancaire instable, déséquilibre monétaire, mauvaise répartition de la dépense finale et, plus récemment, dans le cadre de la théorie des cycles réels, la variation des anticipations des agents. 

À RETENIR

A l’instar des cycles naturels, les économistes ont tenté de mettre en évidence l’existence de cycles économiques qui permettraient d’énoncer des lois périodiques fixant le comportement et les fluctuations des variables économiques. La durée de ces cycles peut fortement varier selon les auteurs, de 40 mois à 250 ans. On étudie alors les fluctuations des variables relativement à une variable centrale, différence d’amplitude et décalage temporel, et on s’intéresse aux explications possibles de ces cycles, explications exogènes ou endogènes.