Le fait que la monnaie soit un élément central de la science économique est difficile à remettre en cause. Depuis les mercantilistes au xvi e siècle, elle fait partie des outils que les économistes doivent utiliser. Cependant, ce sont les monétaristes qui vont en faire le premier moteur de l’économie.
LA QUESTION DE LA MONNAIE
Que la monnaie soit l’une des composantes essentielles d’un système économique est un fait que peu d’économistes remettent en cause. Ce qui peut les différencier, par contre, est le rôle qu’elle joue, ou qu’elle doit jouer, en économie. Pour les tenants de la théorie monétariste, la monnaie joue un rôle fondamental, celui de principal déterminant du PIB nominal à court terme et du niveau des prix sur de longues périodes. Plus précisément, c’est la masse monétaire qui joue ce rôle, c’est-à-dire la quantité totale de monnaie en circulation dans une économie. Pendant de nombreuses années, il était assez simple de mesurer la quantité de monnaie en circulation dans une économie, dans la mesure où il suffisait de mesurer les réserves métalliques dans les coffres des banques centrales. C’est aujourd’hui un peu plus compliqué. Il existe cependant des indicateurs, de MO à M4, qui permettent d’approcher la masse monétaire dans les économies, via des agrégats regroupant des ensembles homogènes.
AVANT FRIEDMAN
Si le monétarisme est aujourd’hui associé au nom de l’Américain Milton Friedman, ce courant de pensée n’est pourtant pas né avec lui. Déjà, au xvii e siècle, les gouvernements espagnol et portugais, mettant en place des politiques mercantilistes, avaient connu une première expérience de mise en relation entre quantité de monnaie en circulation et inflation. Ces gouvernements, qui frappaient toujours plus de pièces d’or et dépréciaient ainsi le métal précieux, provoquèrent une inflation galopante. Ensuite, au début du xx e siècle, l’économiste américain Irving Fisher exprima pour la première fois une relation mathématique pour une théorie quantitative de la monnaie sous la forme M x V = P x T, avec M la masse monétaire, V la vitesse de circulation de la monnaie, P le niveau général des prix et T le volume des transactions, c’est-à-dire la production. Cette formule indique que, si la masse monétaire augmente plus vite que la croissance du produit national brut, l’inflation augmentera automatiquement.
L’APPORT DE FRIEDMAN
La crise financière, débutée en 1929, et les solutions apportées par Keynes marquèrent la fin temporaire des politiques monétaristes. En effet, la question n’était plus l’inflation mais la déflation et donc, les politiques monétaristes traditionnelles, qui consistent à augmenter la masse monétaire, n’avaient plus lieu d’être. En 1963, les choses basculent dans l’autre sens avec la sortie du livre coécrit par Milton Friedman et Anna Schwartz A Monetary History ofthe United States, 1867-1960. Les deux auteurs affirment que la crise de 1929 est due en réalité à une mauvaise politique monétaire menée par la banque centrale américaine, la Réserve fédérale (FED), qui consistait à diminuer la masse monétaire, alors qu’il aurait fallu faire l’inverse. Ils affirment également que, les marchés évoluant naturellement vers un point d’équilibre, le fait de fixer la masse monétaire à un niveau incorrect avait entraîné un comportement erratique des marchés, entraînant la crise que l’on connaît.
LES ANNÉES 1970
Le monétarisme va connaître un second souffle au cours des années 1970 aux États-Unis, pour finalement s’imposer progressivement dans la plupart des banques centrales nationales et devenir le cœur de l’économie néoclassique. Même s’il est réapparu à Chicago sous l’égide de Friedman, il ne faut pas confondre le monétarisme et l’école de Chicago, cette dernière traitant d’autres questions que celle de la monnaie. En 1979, alors que l’inflation avait atteint 20 % aux États-Unis, la Réserve fédérale décide d’intervenir en appliquant les principes de l’école monétariste, c’est-à-dire une politique monétaire restrictive. Cela eut un effet bénéfique sur l’économie américaine, si bien que la théorie monétariste s’imposa comme une théorie économiquement valide. La Banque centrale européenne a notamment aligné sa politique monétaire sur celle de la Réserve fédérale américaine, se fixant avant tout un objectif d’inflation nécessitant un objectif intermédiaire de contrôle de la masse monétaire.
FONDEMENTS ET CRITIQUES
La théorie monétariste n’a pas été sans connaître de très virulentes critiques et en connaît encore aujourd’hui. Le grand débat s’est concentré autour de la querelle entre les monétaristes et les keynésiens, ces derniers estimant que la production économique est avant tout déterminée par la demande de biens et de services. Le grand reproche des keynésiens est que, selon eux, la vitesse de circulation de la monnaie est intrinsèquement instable. Or, intervenir sur la masse monétaire n’est utile que si la relation entre la monnaie et le PIB nominal, et donc l’inflation, est stable et prévisible. Et pour cela, il est nécessaire que la vitesse de circulation de la monnaie soit elle aussi stable et prévisible. La règle monétaire fixe voulue par Friedman, évitant un pouvoir discrétionnaire pouvant déstabiliser l’économie, est ainsi mise à mal. Cette question de la vitesse de circulation de la monnaie est devenue le centre du débat entre monétaristes et keynésiens, débat toujours bien vivant.
À RETENIR
La monnaie est un élément essentiel de l’économie. Si peu d’économistes mettent cela en doute, certains en ont fait son premier moteur. Ce sont les monétaristes. Sous l’impulsion de Friedman, ils considèrent que le contrôle de la masse monétaire est le seul moyen de contrôler l’inflation. La théorie quantitative de la monnaie avance, en effet, une relation directe entre masse monétaire et inflation. Toutefois, de nombreuses critiques ont vu le jour, notamment sur la stabilité et l’aspect prédictible de la vitesse de circulation de la monnaie.