Une économie en croissance a tendance à avancer en se consolidant, alors qu’une économie en décroissance aura tendance à se fragiliser encore plus. Sous cette idée, somme toute assez naïve, se cache le principe d’accélérateur financier, qui remet au centre des modèles le besoin de variables financières.

REMISE EN CAUSE DES « MEGIS »

La récente crise financière de 2008 a mis fin à ce que certains économistes ont appelé la « grande modération ». Cette dernière, qui avait débuté à la fin des années 1990, désignait la chute de la volatilité macroéconomique dans les pays occidentaux et était associée à des politiques économiques visant à stabiliser l’inflation. Dans ce contexte économique, d’ambitieux outils quantitatifs purent voir le jour, des outils qui avaient la capacité de rendre compte et de prévoir les fluctuations économiques. Ce fut, par exemple, le cas des « Megis », c’est-à-dire les modèles d’équilibre général intemporels et stochastiques. La crise de 2008 a remis profondément en question ces modèles et a montré l’importance d’un élément que ces modèles ne prenaient pas en compte, le phénomène d’accélérateur financier. On doit la théorisation de ce phénomène à Ben Shalom Bernanke, économiste américain qui fut président de la Réserve fédérale des États-Unis (FED) jusqu’en 2014, associé à Gertler et Gilchrist.

DÉFINITION DE BERNANKE

Ben Bernanke est un économiste appartenant à la Nouvelle économie keynésienne, qui vise à une synthèse entre l’économie néoclassique et la pensée keynésienne. Dans plusieurs articles, entre 1989 et 1999, il formalise le principe d’accélérateur financier. De manière simplifiée, ce principe énonce le fait qu’une économie en croissance va en se consolidant, alors qu’une économie faible ou en décroissance va en déclinant. Plus précisément, ce principe veut mettre en évidence l’importance de la prise en compte des variables financières dans l’orientation des économies industrielles modernes. Si l’on prend l’exemple d’une entreprise qui rencontre des difficultés à atteindre les objectifs qu’elle s’était fixés, on comprend bien que sa solvabilité va en pâtir et qu’il va alors être très compliqué pour elle d’obtenir des capitaux extérieurs par emprunt par exemple. Plus une entreprise dispose de richesses, moins elle est risquée, plus la prime de financement et donc le coût de financement baissent.

CRISE DE 2008

Appliqué aux banques, le principe d’accélérateur financier explique bien la crise de 2008. Elle a débuté avec les difficultés rencontrées par les ménages américains à faible revenu pour rembourser les crédits consentis pour l’achat de leur logement. Ces crédits étaient destinés à des emprunteurs qui ne présentaient pas les garanties suffisantes pour bénéficier des taux d’intérêt préférentiels (« prime rate »), mais seulement des taux moins préférentiels (« subprime »). Les charges financières des emprunts se
sont considérablement alourdies. Un nombre croissant de ménages n’a pu faire face. Les pertes se sont donc accumulées également du côté des prêteurs. Des établissements de crédit spécialisés se sont, les premiers, retrouvés en difficulté. Puis ce furent les banques, la contagion se propagea à l’ensemble des marchés financiers, déstabilisant l’ensemble de l’économie mondiale. Au total, le FMI estime que la crise des subprimes aura coûté aux banques quelque 2 200 milliards de dollars.

JUGLAR ETMINSKY

La nécessité de prendre en compte les variables financières dans l’explication du rythme et de l’évolution de la création de richesses, mais aussi dans l’apparition de crises économiques, n’est pas née avec le principe d’accélérateur financier. En effet, dès 1862, l’économiste français Clément Juglar soulignait que les conditions de financement, les abus ou insuffisances de crédits bancaires étaient les principales causes des renversements de la dynamique de l’activité économique. Selon lui, déjà, « la genèse de la crise se situe dans la phase d’essor, caractérisée par une confiance sans réserve dans l’avenir ». On retrouve également ici l’idée développée par l’économiste Hyman Minsky appelée « hypothèse d’instabilité financière ». Une trop longue période de stabilité financière, engendrant des comportements risqués et « aventureux » des agents privés, notamment des banques, débouche fatalement sur une période de crise, exacerbée, en quelque sorte, par le phénomène d’accélérateur financier.

MODÈLE DE BERNANKE

De nombreux auteurs ont proposé des modèles du principe d’accélérateur financier, en étudiant le rôle spécifique du secteur financier dans l’évolution des variables macroéconomiques. Dans celui développé par Bernanke, la faillite des emprunteurs est possible et les facteurs financiers amplifient les effets de la politique monétaire selon deux axes, les variations du prix des actifs financiers d’une part et les fluctuations du levier, c’est-à-dire l’utilisation de l’endettement pour augmenter la capacité d’investissement, d’autre part. Cette dynamique financière des cycles d’affaires apparue au sein des crises s’est considérablement accentuée à la suite des mouvements de déréglementation et de libéralisation financières des années 1970 et 1980. Cela a remis en question les modèles théoriques des cycles d’affaires et a engendré un nouveau rapprochement de la nouvelle école classique et de la nouvelle école keynésienne autour du rejet de l’idée d’information complète et parfaite des agents.

À RETENIR

La crise économique majeure qu’a connue le monde à partir de 2008 a, d’une certaine manière, confirmé un principe théorisé notamment par l’économiste américain Bernanke, le principe d’accélérateur financier. Il stipule, « naïvement », qu’une économie en croissance va en se consolidant, alors qu’une économie faible ou en décroissance va en déclinant. Ce principe permet d’étudier le rôle spécifique du secteur financier dans l’évolution des variables macroéconomiques et s’appuie sur le rejet de l’idée d’information complète et parfaite des agents.