Entre l’économie néoclassique et l’économie keynésienne, un fossé infranchissable semble exister. Malgré cela, les économistes ont tenté, à plusieurs reprises, d’en réaliser la synthèse. Le modèle IS-LM est la première de ces tentatives, opérée seulement un an après la publication majeure de Keynes.
DEUX VISIONS DE L’ÉCONOMIE
L’école néoclassique, structurée autour de la notion d’utilité marginale, est née vers la fin du xix e siècle. Keynes, de son côté, publie sa Théorie générale en 1936, ce qui marque la naissance de l’approche keynésienne de l’économie. Au premier abord, ces deux écoles de pensée semblent irréconciliables, en proposant deux visions radicalement différentes de l’économie. Toutefois, l’idée de proposer une synthèse de ces deux écoles de pensée va naître très rapidement dans l’esprit des économistes. Dès 1937 pour être précis, soit seulement une année après la publication du livre de Keynes. C’est, en effet, en avril 1937 que John Hicks publie dans la revue Econometrica un article intitulé « Keynes et les classiques: une interprétation possible », dans lequel il expose son modèle IS-LM qui constitue son interprétation de la théorie générale de Keynes. C’est la première tentative de synthèse keynéso-classique, entre l’équilibre néoclassique walrasien et une partie du corpus keynésien.
LA COURBE IS
Hicks s’intéresse à la relation entre deux types de marchés. D’une part, les marchés monétaire et financier, dont découle le taux d’intérêt, et, d’autre part, le marché des biens et des services qui détermine le niveau d’activité et, donc, le niveau d’emploi. Hicks avait pour objectif, en construisant son modèle, de répondre à la question de l’intervention publique permettant de se rapprocher du plein- emploi. Comme son nom l’indique, le modèle IS-LM fournit deux courbes, IS pour les marchés des biens et des services et LM pour le marché monétaire, l’intersection des deux représentant l’équilibre général keynésien. Le principal apport de ce modèle réside dans la détermination simultanée, en économie fermée, c’est-à-dire sans échanges avec le reste du monde, du revenu national et du taux d’intérêt. La courbe IS représente l’ensemble des combinaisons de taux d’intérêt et de revenus qui assure l’équilibre sur le marché des biens et des services et se caractérise par une pente négative.
LA COURBE LM
La courbe LM représente l’ensemble des combinaisons de taux d’intérêt et de revenus qui assure l’équilibre sur le marché monétaire. Sur ce marché, l’offre M est déterminée par la politique de la Banque centrale qui constitue la seule institution d’émission de la liquidité circulant dans l’économie sous forme de billets de banque. La demande, quant à elle, notée ici L pour liquidité, se partage en une demande d’encaisses de transaction et de spéculation. Cette courbe est composée de trois parties, une partie horizontale qui correspond à la trappe à liquidité, c’est-à-dire que le taux d’intérêt est tellement faible que la monnaie est thésaurisée, une partie à pente positive qui correspond à une phase normale et, enfin, une partie verticale, la phase classique dans laquelle il n’y a plus de thésaurisation, car toute la monnaie est placée. L’équilibre sur le marché des biens et des services et sur le marché de la monnaie est alors exactement le point d’intersection des courbes IS et LM.
L’ÉQUILIBRE IS-LM
L’élément central du modèle IS-LM est le taux d’intérêt. En effet, il se situe à l’interface entre le marché financier et celui des biens et des services. D’une part, il joue un rôle dans les décisions de production de l’économie réelle, en déterminant le seuil de rentabilité des activités en deçà duquel les entreprises ne doivent plus investir. D’autre part, il joue un rôle sur les comportements risqués, voire spéculatifs, sur les marchés financiers. C’est ainsi autour du taux d’intérêt, véritable pont entre l’économie financière et l’économie réelle, que s’organise le modèle IS-LM. Il permet de représenter les effets d’une politique économique si l’on arrive à comprendre les déplacements des courbes qui le composent lorsque l’on modifie un paramètre ou que l’on prend une mesure. On notera que, dans ce modèle, l’équilibre se détermine sans faire appel au marché du travail. Ceci correspond bien à la vision keynésienne, dans laquelle l’équilibre se détermine à partir de la demande globale.
PREMIÈRE SYNTHÈSE?
Le modèle IS-LM se veut la première synthèse entre l’économie néoclassique et l’économie keynésienne. En effet, ce modèle est l’étude de l’équilibre simultané du marché des biens et des services et du marché financier, ce qui constitue une des grandes thématiques de l’économie keynésienne, mais qui est en accord avec la logique walrasienne de marchés simultanément ajustés. Une étude plus précise du modèle montre même que l’économie est plus keynésienne quand la courbe LM est horizontale et la courbe IS verticale et plus classique dans le cas inverse. Il a connu un certain succès, d’une part parce qu’il constitue une clarification de la théorie générale de Keynes et, d’autre part, parce qu’il a été l’un des outils incontournables des politiques économiques et conjoncturelles tout au long des années 1950 et 1960. Toutefois, ce modèle a fait l’objet de vives critiques, notamment de la part des keynésiens, qui y voient un modèle bien trop mécanique et une sorte de trahison de la pensée de Keynes.
À RETENIR
En 1936, lorsque Keynes publie sa Théorie générale, l’économie néoclassique est dominante. L’impact de Keynes est si fort que, dès 1937, la première tentative de synthèse keynéso-classique a lieu, sous la plume de John Hicks. Ce modèle, appelé IS-LM du nom de ses composantes, tente de déterminer l’équilibre général entre le marché des biens et des services et le marché financier. Ce modèle connaîtra un certain succès, mais sera vivement critiqué, notamment par les keynésiens. D’autres tentatives de synthèse verront le jour par la suite.