À ne pas confondre avec postkeynésien, l’étiquette « néokeynésien » est attachée à tous les économistes qui ont tenté de réaliser une synthèse entre la pensée néoclassique et le courant keynésien.

UNE VOLONTÉ DE SYNTHÈSE

On regroupe sous le terme néokeynésianisme la volonté de réaliser la synthèse entre l’école néoclassique et les idées développées par Keynes. C’est cette volonté affichée qui lui vaut le nom d’« école de la synthèse » utilisé parfois. Ce courant est à distinguer de la pensée postkeynésienne, qui reste très attachée à la structure de pensée holiste de Keynes, alors que les néokeynésiens demeurent très proches des néoclassiques. Si les courants économiques du début du xxe, schématiquement néoclassique contre keynésianisme, semblent radicalement opposés, ils vont se rapprocher progressivement jusqu’à donner l’impression de se compléter mutuellement dans les années 1950 et 1960 autour de ce que l’on appelle la première synthèse keynéso- classique. Cette synthèse, basée sur l’interaction des marchés, sera remplacée par une deuxième, qui s’appuiera sur les équilibres à prix fixes, puis une troisième, plus récente, qui ira chercher de nouvelles idées du côté de l’économie comportementale.

LA PREMIÈRE SYNTHÈSE

La première tentative de synthèse keynéso-classique voit le jour seulement un an après la publication par Keynes de sa Théorie générale, soit en 1937. C’est l’économiste britannique John Hicks qui est à la manœuvre. Il n’est naturellement pas le seul, puisque bon nombre d’économistes de Cambridge et d’Oxford vont tenter, à la même époque, de mathématiser les relations keynésiennes. L’idée de Hicks est de se baser sur l’interaction des marchés, celui des biens et des services et le marché financier. Le trait d’union entre les deux est le taux d’intérêt. Il met en évidence deux courbes, la courbe IS pour le marché des biens et des services et la courbe LM pour le marché monétaire, l’intersection des deux représentant le point d’équilibre. Le modèle IS-LM est né. Ce modèle va devenir le modèle dominant au cours des années 1950 et 1960. L’apparition d’une période de stagflation, dans les années 1970, ainsi que les critiques des keynésiens radicaux, vont entraîner le besoin d’un nouveau modèle.

LA DEUXIÈME SYNTHÈSE

La deuxième synthèse entre les théories néoclassique et keynésienne va venir d’une nouvelle vague de néokeynésiens, appelée la « nouvelle économie keynésienne ». Elle s’est construite en deux étapes. Dans un premier temps, on parlera plutôt de la « théorie du déséquilibre » ou de la « théorie des équilibres à prix fixes », car ces néokeynésiens postulent une rigidité des prix, puis tentent de réintroduire, en suivant une intuition keynésienne, la monnaie dans l’étude de l’équilibre général walrasien, c’est-à-dire néoclassique. Dans un second temps, la « nouvelle économie keynésienne » va se structurer en opposition à ce que l’on appelle la « nouvelle économie classique », celle des anticipations rationnelles. Cette dernière stipule que, les agents économiques ayant une capacité de calcul et de traitement de l’information sans limites, il est vain de vouloir brouiller les signaux des marchés privés par des interventions publiques, rendant inefficace toute politique monétaire ou budgétaire.

LES RÉSULTATS DE LA NEK

La « nouvelle économie keynésienne » (NEK) a mis en évidence un certain nombre de résultats, notamment autour du problème de l’information utilisée par les agents lors de leurs anticipations. En effet, l’idée est que, malgré la rationalité des agents, les processus concrets de formation des prix sur les marchés peuvent être inefficients. Les économistes de la NEK ne croient pas que les marchés s’autoré-gulent en suivant la loi de l’offre et de la demande. Ici, à la différence de la première synthèse de Hicks ou de la théorie du déséquilibre, les rigidités des prix sont expliquées par des processus endogènes, comme les imperfections dans l’information mise à la disposition des agents. La NEK va également travailler sur la notion d’incomplétude des marchés, dérivant du concept d’incertitude keynésien et montrer que cette notion est la cause des dysfonctionnements macroéconomiques. Ces néokeynésiens vont alors étudier les propriétés des marchés financiers capables de résorber cette incomplétude.

LA TROISIÈME SYNTHÈSE

La dernière génération de néokeynésiens va se concentrer sur l’une des clés de la pensée keynésienne, la notion d’incertitude. Même si les deux premières synthèses prenaient également en compte cet élément, sa définition et son champ d’application restaient assez flous. Keynes estime que face à cette incertitude, il faut adopter trois techniques: considérer que le présent est le meilleur des guides de l’avenir, que les agents se font une opinion correcte du futur et, enfin, se conformer à l’opinion moyenne, c’est-à-dire agir « conventionnellement ». À partir de ce constat, deux branches vont se développer, comme deux intersections possibles entre l’économie néoclassique et la pensée keynésienne. D’un côté, un courant macroéconomique estime que l’équilibre résulte d’un processus de coordination entre des décideurs placés en information incomplète et s’appuie sur la théorie des jeux. De l’autre, un courant microéconomique va se développer en s’appuyant sur la théorie des comportements.

À RETENIR

Si, au début du xxe siècle, l’économie est largement dominée par les néoclassiques, la publication, en 1936, de la Théorie générale de Keynes va bouleverser la donne. Depuis lors, plusieurs synthèses de ces deux courants de pensée ont eu lieu. Le modèle IS-LM, la « nouvelle économie keynésienne », une macroéconomie et une microéconomie s’appuyant sur la question de l’incertitude keynésienne et utilisant la théorie du comportement ou la théorie des jeux. Cette synthèse apparaît comme un Graal, dont la quête semble loin d’être terminée.