Théorie des zones monétaires optimales

Les discussions autour des régimes de taux de change, fixes ou flexibles, ont connu de beaux jours après les accords de Bretton Woods, mais sont restées un peu stériles faute d’un cadre théorique. La théorie des zones monétaires optimales, énoncée par Mundell en 1961, va rapidement devenir ce cadre.

LE BESOIN D’UNE THÉORIE

La théorie des zones monétaires optimales prend sa source dans la question des taux de change fixes et flexibles, considérés comme des instruments de stabilisation. Des désaccords majeurs apparurent entre les tenants de taux fixes et ceux de taux flexibles après la signature en 1944 des accords de Bretton Woods. Ces accords avaient pour objectif de mettre en place un système monétaire mondial et d’aider à la reconstruction des pays touchés par la guerre. Ils aboutirent à la création de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (le FMI). Ainsi, si Milton Friedman, dès 1953, propose un taux de change flexible entre chaque monnaie nationale, d’autres économistes discutaient de la viabilité d’un système de change fixe entre les pays. Par exemple, au cours des années 1950, l’Américain Abba Lerner émet les premiers doutes quant à la régulation par les régimes de change, en parallèle des discussions qui eurent lieu autour de l’étalon dollar-or fixé par les accords de Bretton Woods.

LES TRAVAUX DE MUNDELL

Si les discussions avaient du mal à aboutir et si personne n’arrivait à se mettre d’accord, c’est bien parce qu’il manquait un cadre théorique dans lequel on puisse évaluer les avantages et les inconvénients des régimes de taux de change. Ce cadre théorique sera mis en place par l’économiste canadien Robert Mundell dans un article fondateur publié en 1961. Ce cadre sera complété en 1963 par Ronald McKinnon, puis, en 1969, par Peter Kenen et aboutira sur ce que l’on considère aujourd’hui comme l’approche traditionnelle, ou approche par les critères, de la théorie des zones monétaires optimales (ZMO). Cette approche spécifie certains critères pour qu’un pays puisse arbitrer entre les avantages d’ordre microéconomique dérivés de l’utilisation d’une monnaie unique, dus à la réduction, voire l’élimination, des coûts de transaction, et les inconvénients d’ordre macroéconomique, dus aux coûts qui découlent de la perte du taux de change en tant qu’instrument de stabilisation de l’économie.

LES CRITÈRES

Le modèle des ZMO permet un calcul coûts/avantages pour chaque pays désirant entrer dans une union monétaire. Ce calcul peut se faire selon trois critères énoncés par Mundell. Le premier est l’importance relative des chocs asymétriques qui frappent les économies membres de l’union. En effet, si des chocs touchent de manière opposée les économies de différentes régions de l’union monétaire, dans un contexte keynésien où les prix et les salaires ne peuvent concourir à l’ajustement de ces perturbations, ces régions ne peuvent plus laisser s’ajuster leurs taux de change bilatéraux afin de stabiliser leur économie. Le deuxième critère réside dans l’efficacité des mécanismes d’ajustement opérant au sein de la zone monétaire, tandis que le troisième concerne les caractéristiques structurelles des économies, comme le degré d’ouverture et d’intégration ou la spécialisation et la diversification sectorielle des activités produites, ce dernier critère étant aujourd’hui considéré comme endogène.

DES CRITÈRES ENDOGÈNES

L’approche traditionnelle des ZMO, telle que formalisée par Mundell, vise à confronter deux types de facteurs afin d’arbitrer l’adhésion à une union monétaire, la probabilité d’occurrence de chocs asymétriques au sein de la zone concernée d’une part et l’existence de mécanismes de stabilisation remplaçant l’usage de la flexibilité des taux de change afin de contrebalancer les effets des chocs asymétriques d’autre part. Le caractère endogène des caractéristiques structurelles des économies a été mis en évidence lors de la création de l’Union économique et monétaire (UEM) en Europe au début des années 1990. En effet, le modèle de Mundell est un peu tombé en désuétude au cours des années 1970 et 1980, mais est revenu sur le devant de la scène avec le projet de création de l’UEM. Toutefois, il s’est avéré que le modèle n’était pas adapté à cette création, dans la mesure où les critères de Mundell sont ex ante. Il a donc fallu changer de théorie en introduisant la notion de critères endogènes.

LA CRÉATION DE L’UNION EUROPÉENNE

Derrière l’introduction des critères endogènes dans la théorie des zones monétaires optimales, se cache l’idée que l’union monétaire produit elle-même, de manière endogène, les conditions de son optimisation. Il ne faudrait plus alors tester l’union monétaire a priori mais bien a posteriori, selon de nouveaux critères. De nombreux auteurs ont complété l’approche traditionnelle de Mundell en suivant la piste des bénéfices de l’adhésion à une union monétaire. En effet, si Mundell concevait ces bénéfices comme liés à la réduction des coûts de transaction, des études ont montré que ces derniers pouvaient être à l’origine d’un accroissement significatif des échanges commerciaux et financiers entre les pays membres de l’union monétaire. La théorie des ZMO endogène repose alors sur la combinaison de deux effets, d’une part, la hausse du degré d’ouverture, c’est-à-dire une hausse des échanges avec les autres pays et, d’autre part, une réduction des coûts associés à la participation à l’union monétaire.

À RETENIR

Les discussions autour de la question des taux de change fixes ou flexibles, en tant qu’instruments de stabilisation, ont démarré après les accords de Bretton Woods. Elles ont connu une nette avancée avec la structuration de la théorie des zones monétaires optimales par Mundell en 1961. Dans cette théorie, trois critères permettaient à chaque pays de mesurer les avantages et les inconvénients à adhérer à une union monétaire. La création de l’union monétaire européenne a permis de développer cette théorie, par l’introduction de critères endogènes.

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