L’idée de revenu universel n’est pas neuve. Son omniprésence dans les débats et son expérimentation dans le monde réel le sont beaucoup plus. Balayant les clivages droite/gauche et classique/keynésien, le revenu universel fascine autant qu’il fait peur, notamment pour la délicate question de l’emploi.

DE NOMBREUSES APPELLATIONS

L’idée d’un revenu universel n’est pas nouvelle, mais elle semble, depuis quelques années, passer du statut de concept théorique à celui de véritable politique économique. Avant d’en tracer les contours, il est important de garder en mémoire ses multiples appellations, qui peuvent varier selon les auteurs, les pays ou encore les positions idéologiques face à ce concept. On rencontrera ainsi dans la littérature aussi bien le « revenu de base », le « revenu inconditionnel », le « revenu inconditionnel suffisant », le « revenu d’existence », le « revenu minimum d’existence », le « revenu social », le « revenu social garanti », l’« allocation universelle », le « revenu de vie », le « revenu de citoyenneté », le « revenu citoyen », la « dotation inconditionnelle d’autonomie » ou encore le « dividende universel ». Quel que soit le nom que l’on veuille bien lui donner, force est de constater qu’un grand nombre de pays sont doucement en train d’yvenir, le plus souventsous forme d’expérimentations.
EXEMPLES
La question du revenu universel est devenue, depuis une vingtaine d’années, absolument incontournable. Aucun économiste ne peut y échapper et chacun se voit contraint de prendre position. Leur regard s’est naturellement tourné vers la Suisse qui, à la suite de la remise de 125 000 signatures réunies par des organisations défendant l’introduction d’un revenu universel, a organisé un référendum d’initiative populaire sur la question. Malheureusement, le « non » l’a largement emporté avec plus de 76 %. C’est donc vers la Finlande que toute l’attention est désormais concentrée. En effet, ce pays expérimente depuis le 1er janvier 2017 un revenu universel de base, sur un échantillon de 2000 personnes sans emploi, âgées de 25 à 58 ans. Elles vont recevoir une somme de 560 euros par mois, qui remplace toutes les allocations qu’elles percevaient et qui continuera à être versée même si la personne retrouve un emploi. Le gouvernement espère que ce système permettra d’encourager le retour à l’emploi.
RETOUR À L’EMPLOI
La question du retour à l’emploi, espéré par le gouvernement finlandais, est naturellement au centre des débats. En effet, dans sa forme la plus large, il ne semblerait pas, au premier abord, que le revenu universel favorise un retour à l’emploi. Si le revenu de base peut prendre de multiples formes, selon les pays ou bien selon l’appartenance politique, son essence reste la même. Il s’appuie sur certains principes. D’abord, il doit être versé de manière universelle, d’un montant égal pour tous, sans contrôle
des ressources ou des besoins. Ceci est en général valable pour les citoyens ou résidents majeurs permanents. Il est parfois proposé de verser une somme inférieure aux mineurs. Ensuite, il doit être versé sur une base individuelle et non aux foyers ou ménages. Il doit enfin être versé de manière inconditionnelle, sans exigence de contreparties. Selon que l’on se place dans une visée libérale ou progressiste, ce revenu universel s’ajouterait ou non aux prestations sociales existantes.
UNE HISTOIRE ANCIENNE
Le revenu universel n’est pas une idée neuve, son omniprésence dans les débats économiques et politiques ainsi que son expérimentation le sont bien plus. On peut faire remonter cette idée à des auteurs comme Thomas More, dans son Utopie, ou bien encore Thomas Paine, Charles Fourier et Bertrand Russell. Plus récemment, des économistes comme le libéral Milton Friedman, le keynésien james Meade et André Gorz s’en sont emparés. Ce qu’il est intéressant de constater, c’est que, si l’idée du revenu universel fait sauter le clivage politique gauche/droite, elle s’affranchit également de la barrière idéologique qui sépare les visions libérale et keynésienne de l’économie. Ce qui n’est pas sans poser un certain nombre de questions. Récemment, les penseurs libéraux de « Génération libre » ont proposé le Liber, un revenu de liberté pour tous, se présentant sous la forme d’un impôt négatif, reprenant l’idée avancée par Milton Friedman et se plaçant sous l’autorité, assez étrangement, de Michel Foucault.
IMPÔTS NÉGATIFS ET PROBLÈMES
Milton Friedman avança l’idée de mettre en place l’impôt négatif. Pour cela, un crédit d’impôt est octroyé à chacun. Si le calcul de l’impôt est inférieur à ce crédit, la différence est alors versée comme un revenu. Cette option s’éloigne du revenu universel classique, dans la mesure où ce dernier est individuel, alors que l’impôt est souvent pour un foyer fiscal. De plus, Friedman associait ce crédit d’impôt à une « fiat tax », c’est-à-dire un impôt à taux fixe et non progressif comme en France. On comprend bien pourquoi les libéraux sont plus enclins à concevoir le revenu universel comme un impôt négatif. Mais le cœur du débat se situe plus encore sur la question de l’emploi. L’inquiétude de certains économistes est que ce revenu universel soit mal utilisé et laisse sur le bord de la société une grande partie de la population. Comme disait Joan Robinson, keynésienne de gauche, « la misère d’être exploité par les capitalistes n’est rien comparée à la misère de ne pas être exploité du tout ».
À RETENJR
• L’idée de revenu universel n’est pas une idée neuve, mais elle commence à s’imposer comme une possible action gouvernementale, en suivant l’exemple de la Finlande qui l’expérimente depuis le 1er janvier 2017. Verser une somme de manière universelle, d’un montant égal pour tous, sans contrôle des ressources ou des besoins, sur une base individuelle et non aux foyers ou ménages, et de manière inconditionnelle, sans exigence de contreparties. Voilà le principe du revenu universel qui, pour certains, est loin de résoudre la question de l’emploi.