La géométrie riemannienne s’est construite à partir d’une intuition de Riemann, celle d’introduire une nouvelle forme de métrique pour étudier les propriétés des espaces courbes. L’outil puissant qu’est cette nouvelle géométrie a trouvé de nombreuses applications, notamment en relativité générale.
L’OBJET DE LA GÉOMÉTRIE RIEMANNIENNE
L’objet de la géométrie riemannienne est l’étude des surfaces, et plus généralement des « variétés », indépendamment de l’espace dans lequel elles sont plongées. Il faut être très prudent ici sur la notion de surface que l’on étudie. En effet, la géométrie riemannienne s’intéresse aux propriétés intrinsèques, c’est-à-dire aux propriétés des surfaces qui peuvent se définir au moyen de mesures faites sur la surface elle-même. A contrario les propriétés qui n’ont de sens que relativement à l’espace où est plongée la surface, seront dites extrinsèques. Un exemple classique, afin de comprendre l’objet de la géométrie riemannienne, est de considérer des êtres bidimensionnels qui vivraient à plat sur une surface. Ils ne peuvent pas sortir de leur surface et pourtant, ils peuvent étudier leur monde en effectuant des mesures sur la surface elle-même. Si par exemple, ils mesurent la somme des angles d’un triangle différente de 180 °, ils pourront en conclure qu’ils ne vivent pas sur un plan.
LE CINQUIÈME POSTULAT D’EUCLIDE
La somme des angles d’un triangle est une manière simple d’appréhender l’intuition de Riemann. Ce dernier remet en effet en question le cinquième postulat d’Euclide, qui affirme que par un point, il ne peut passer qu’une, et une seule, droite parallèle à une droite donnée. Dans la géométrie euclidienne, munie de ses cinq postulats, la somme des angles d’un triangle est exactement 180 °. En géométrie riemannienne, on ne peut mener aucune parallèle à une droite donnée par un point, et la somme des angles d’un triangle devient supérieure à 180 °. Une bonne manière (mais très simplifiée) de se représenter la géométrie riemannienne est de considérer la géométrie à la surface de la sphère de l’espace euclidien. Les droites à la surface de la sphère sont les grands cercles (les cercles ayant le même centre que la sphère). On visualise alors assez bien l’idée que si l’on considère une droite et un point extérieur à cette droite, il n’existe aucune parallèle à cette droite passant par ce point.
LES MÉTRIQUES RIEMANNIENNES
Une des forces de la géométrie riemannienne est qu’elle ne détruit pas la géométrie euclidienne. Au contraire, elle l’englobe. En effet, l’idée fondamentale et radicalement nouvelle de Riemann est d’introduire, pour mesurer la longueur, une métrique qui ne dépend que du point. Généralement, en mathématiques, une métrique est une fonction qui permet de mesurer la distance entre deux points de l’espace. En géométrie
riemannienne, l’idée est toujours là, même si la notion de « distance » change radicalement et la métrique sera définie par un autre objet appelé « tenseur ». Avec cette notion de métrique riemannienne, il est alors possible de trouver des substituts aux droites de l’espace euclidien, les géodésiques. Ce sont des courbes qui réalisent les plus courts chemins pour des points assez proches. Le cas de la géométrie euclidienne devient ainsi le cas particulier de la géométrie riemannienne où l’on peut trouver des coordonnées dans lesquelles la métrique est à coefficients constants.
LE TENSEUR DE COURBURE
L’invariant fondamental introduit par Riemann qui mesure la déviation de sa géométrie à la géométrie euclidienne est un outil mathématique assez sophistiqué appelé le tenseur de courbure de Riemann. Si c’est un objet complexe, il est possible de le calculer à partir du moment où la métrique est donnée explicitement. D’une manière très générale, la géométrie riemannienne est l’étude des métriques riemanniennes sur des variétés différentielles. Une variété est un espace muni d’une topologie, localement euclidien, c’est-à-dire que la région autour de chaque point peut s’apparenter à une région de l’espace euclidien. Dire qu’une variété est différentielle consiste simplement à ajouter des outils de calcul différentiel à la variété. Dans ce contexte, la géométrie euclidienne s’identifie localement à la géométrie riemannienne de courbure nulle. On peut montrer également que la géométrie hyperbolique (infinité de parallèles) s’identifie à la géométrie riemannienne à courbe constante négative.
LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE
Entre 1905 et 1910, Albert Einstein va révolutionner la physique classique en énonçant les principes de la relativité restreinte, puis ceux de la relativité générale. Pour la première, le principe fondateur est que le temps n’est pas absolu mais relatif à l’observateur. Pour formaliser mathématiquement cette théorie, il utilisera les travaux de Minkowski. Lorsqu’il s’attaque à la gravitation, il ne la considère plus comme une force mais comme une déformation de l’espace-temps, ce qui veut dire que nous ne vivons pas dans un espace-temps plat, mais courbe. Le cadre idéal pour formaliser mathématiquement cette nouvelle théorie est naturellement la géométrie riemannienne. Ou pour être plus précis, la géométrie lorentzienne, qui n’est qu’une variante de la géométrie riemannienne. L’idée d’Einstein est que si notre trajectoire est déviée sous l’effet de la gravitation, c’est parce que nous suivons une géodésique de l’espace-temps et que cette géodésique est courbe sous l’effet de la gravité.
À RETENIR
La géométrie riemannienne est née d’une intuition radicalement nouvelle de Riemann qui cherchait à étudier les espaces courbes. La difficulté est que Riemann souhaite mettre en place une géométrie qui étudierait les propriétés intrinsèques des surfaces courbes. Pour cela, il introduit un nouvel élément: les métriques riemanniennes, permettant de mesurer des « distances » sur des surfaces courbes. Cette nouvelle géométrie, qui englobe la géométrie euclidienne, trouvera de nombreuses applications, comme lors de la formalisation de la relativité générale.