La théorie des groupes de Lie a été mise en place par le mathématicien norvégien Sophus Lie vers la fin du XIXe siècle pour l’étude générale des équations différentielles. D’abord marginale, cette théorie a petit à petit envahi tous les champs des mathématiques, mais également la physique théorique.
MOTIVATIONS INITIALES
Le mathématicien norvégien Sophus Lie, dans les années 1870-1880, cherche à développer une théorie de symétries des équations différentielles qui permettrait, à l’instar de la théorie de Galois pour les équations algébriques, de les classifier en termes de la théorie des groupes, d’en ramener l’étude à un petit nombre d’équations fondamentales, de pouvoir prédire si des solutions existent, voire de les calculer de manière globale. La théorie des groupes de Lie a donc initialement pour objet les problèmes liés aux équations différentielles, aux équations aux dérivées partielles et, plus globalement, à la géométrie différentielle. Si cette théorie est d’abord marginale, surtout destinée aux physiciens, grands utilisateurs des équations différentielles, ses connexions profondes avec d’autres branches des mathématiques comme la théorie des nombres et la découverte d’objets universels comme les groupes semi-simples ont donné à la théorie des groupes de Lie un rôle central en mathématiques.
VARIÉTÉ ET GROUPE
Pour comprendre la manière dont Sophus Lie a défini ses groupes, il faut naturellement s’intéresser à la notion de groupe mais aussi à celle de variété. Pour faire simple, une variété topologique est définie de manière abstraite comme un espace topologique (un espace muni d’une topologie, c’est- à-dire un ensemble de parties de l’espace, les ouverts, vérifiant certaines propriétés) qui peut être recouvert par de petits morceaux identifiés à des parties de l’espace euclidien standard. Les identifications s’appellent des cartes, l’ensemble des cartes étant l’atlas de la variété. L’idée ici est que si un espace peut être courbe ou avoir une topologie compliquée, il peut être localement ramené à l’espace euclidien. Si, de plus, les cartes de la variété sont bien régulières, on parlera de variété différentiable. D’un autre côté, un groupe est un ensemble muni d’une loi de composition interne vérifiant trois propriétés: associativité, existence d’un élément neutre et d’un symétrique.
GROUPE DE LIE
Un groupe de Lie est défini à partir des notions de variété différentiable et de groupe. Plus précisément, dans le cas réel, un groupe de Lie est une variété analytique réelle munie d’une structure de groupe de telle sorte que les applications de multiplication et d’inversion soient analytiques. On rappelle qu’une fonction analytique est une fonction développable en série entière et donc infiniment dérivable. La réciproque n’est pas vraie dans l’ensemble des réels, mais elle l’est pour les complexes.
Si bien que, dans le cas complexe, un groupe de Lie sera défini comme une variété analytique complexe muni d’une structure de groupe de telle sorte que les opérations de multiplication et d’inversion sont holomorphes (dérivables au sens complexe). On peut penser les groupes de Lie comme des familles de symétries qui varient de manière extrêmement régulière. On peut définir une structure algébrique supplémentaire (avec la structure locale d’espace vectoriel), celle d’algèbre de Lie.
CLASSIFICATION DES GROUPES DE LIE
Une des questions importantes qui continue à faire l’objet de recherches est la classification générale des groupes de Lie. L’idée fondamentale est de tenter de classifier d’abord les algèbres de Lie, puis d’en déduire une classification des groupes de Lie. Pour cela, on peut s’appuyer sur un résultat d’Eugenio Elia Levi nommé la décomposition de Lie. Il affirme qu’une algèbre de Lie peut toujours se décomposer en une somme directe d’une algèbre de Lie semi-simple (définie avec la notion d’idéal) et d’une algèbre de Lie non semi-simple particulière qu’on appelle son radical. Si la classification des algèbres de Lie non semi-simples est difficile, voire quasiment impossible, celle des algèbres de Lie semi-simples sur le corps des complexes a été réalisée par Élie Cartan. Il est également possible de classifier les algèbres de Lie selon d’autres propriétés algébriques (algèbre abélienne, simple, résoluble ou nilpotente) ou bien topologiques (connexité, simple connexité ou compacité).
GROUPE E8
Au sein de la classification des groupes de Lie est apparue une famille un peu spéciale de groupes, les groupes dits exceptionnels. Ils sont notés G2, F4, E6, E7 et E8. La détermination de la structure de ces groupes exceptionnels est particulièrement ardue et peut être déterminante pour les mathématiques et pour la physique. En effet, la théorie quantique des champs, théorie physique couramment utilisée aujourd’hui, utilise ce que l’on appelle des jauges, ces dernières étant formalisées mathématiquement par des groupes de Lie. Ainsi, le groupe de Lie E8 se retrouve intimement lié à la théorie des cordes, et la détermination de sa structure peut se révéler cruciale pour la physique de demain. Or une équipe de chercheurs a réussi cet exploit en 2007. La taille du résultat permet de se faire une idée quant à la complexité du calcul: c’est une matrice carrée de taille 453 060 x 453 060, ayant donc plus de 205 milliards de cases, chacune contenant un polynôme contenant jusqu’à 32 termes.
À RETENIR
La théorie des groupes de Lie, dont l’objet initial était l’étude des groupes de symétries des équations différentielles, a été inventée par le mathématicien norvégien Sophus Lie vers la fin du xixe siècle, en s’inspirant de la théorie de Galois pour les équations algébriques. Un groupe de Lie repose sur les notions de variété différentiable et de groupe. Ce qui, au départ, semblait être une théorie mathématique marginale s’est révélé extrêmement puissant dans la plupart des branches des mathématiques, et même dans la physique théorique.