C’est par le biais d’un problème de mécanique céleste que le mathématicien russe Kolmogorov pose la première brique de ce qui va devenir la théorie KAM. À la croisée de la théorie des systèmes dynamiques et de la théorie ergodique, cette nouvelle théorie ne cesse de fournir des résultats essentiels.

UN PROBLÈME DE MÉCANIQUE CÉLESTE

L’origine de la théorie KAM se trouve dans l’étude d’un problème de mécanique céleste, le problème des trois corps. Cette question difficile est une manière « simplifiée » d’aborder la question plus générale de la stabilité du système solaire. À partir du xixe siècle, les mathématiciens étudièrent ce problème des trois corps (trois corps s’attirant entre eux par gravitation) et s’aperçurent qu’il n’avait pas de solutions exactes. Henri Poincaré s’intéressa à ce problème, réussit à exhiber une solution approchée mais montra que ce système n’était pas aussi stable qu’on aurait pu le penser. Il introduisit pour ce faire la notion de systèmes dynamiques et formalisa, sans la nommer, le début de la théorie des systèmes chaotiques. Mais, en 1954, le mathématicien russe Andrei Nikolaïevitch Kolmogorov présenta au congrès international des mathématiciens un exposé sur la théorie des perturbations, dont le problème des trois corps est un exemple. Cet exposé marqua la naissance de la théorie KAM.

LE THÉORÈME KAM

Lors de son exposé, la question que se pose Kolmogorov est la suivante: Que se passe-t-il avec l’orbite périodique d’une planète autour d’un soleil, si une petite modification apparaît dans son voisinage ? Sa réponse fut que, si la perturbation est petite, beaucoup d’orbites deviennent quasi périodiques et donc demeurent stables au cours du temps. Ce résultat sera démontré de manière rigoureuse au début des années 1960 séparément par deux autres mathématiciens, Vladimir Arnold et jürgen Moser. Ce théorème portera alors les initiales des noms des trois mathématiciens, il s’appellera le théorème KAM. Mais alors, la question de la stabilité du système solaire serait-elle réglée ? En effet, une conséquence du théorème KAM est qu’il est bien possible que le système solaire soit quasi périodique et donc que les orbites des planètes soient stables. Les travaux de Jacques Laskar dans les années 1980 montreront malheureusement que la dynamique du système solaire est plutôt chaotique.

MÉCANIQUE HAMILTONIENNE

La théorie KAM prend place au sein de ce que l’on nomme la mécanique hamiltonienne. D’une manière générale, la mécanique analytique est la théorie physique fondamentale qui permet de décrire le mouvement des corps (corps solides mais aussi particules ou ondes électromagnétiques) lorsqu’ils interagissent entre eux, valable de l’échelle des molécules à celle des planètes. Il existe de nombreuses formulations de la mécanique analytique, depuis celle de Newton en termes de forces datant du xvne siècle

THÉORIE KAM

Kolmogorov, lorsqu’il présente sa nouvelle théorie lors du congrès international des mathématiciens, précise que son travail s’inscrit dans la perspective des mathématiques des systèmes dynamiques et de la mécanique classique (où les systèmes dynamiques sont conservatifs). Il y fait ressortir des considérations topologiques et métriques, suivant ainsi le chemin initié quelques années plus tôt par Henri Poincaré. Mais il situe également sa théorie au carrefour de la mécanique classique et de la théorie ergodique. Dans un premier temps, l’ergodicité peut s’énoncer comme la propriété, pour un système mécanique donné, de converger en probabilité vers un état final indépendant de son état initial. Énoncée en 1871 par Boltzmann dans le cadre de théorie cinétique des gaz, l’hypothèse ergodique consiste à exprimer que les moyennes d’observations devraient converger avec le temps vers les mêmes limites que celles obtenues si on avait pu calculer les moyennes de chaque particule du système.

DES TORES INVARIANTS

L’essence de la théorie KAM réside dans la possible conservation des tores invariants d’un système hamiltonien perturbé. La notion de tore invariant provient de l’étude des systèmes intégrables (pour lesquels, sous certaines conditions, la dynamique est connue, soit périodique, soit quasi périodique) en mécanique hamiltonienne. C’est une courbe invariante de l’espace étudié sur laquelle on peut ramener l’étude de la dynamique du système. Le théorème KAM garantit la stabilité, sous l’effet de perturbations, de certains tores invariants dans les systèmes hamiltoniens. Toutefois, les hypothèses qu’impose Kolmogorov sont assez fortes, et de nombreux travaux ultérieurs vont s’attaquer à la diminution de ces hypothèses. Les conséquences de ce théorème seront nombreuses, mais l’essentiel est que les systèmes hamiltoniens perturbés faiblement n’ont pas des comportements antithétiques avec ceux des systèmes intégrables, dans la mesure où une certaine décomposition en tores invariants persiste.
• En mécanique céleste, la question de la stabilité du système solaire est particulièrement difficile. De nombreux scientifiques s’y sont confrontés en s’attaquant à une version simplifiée, le problème des trois corps. En 1954, le mathématicien Kolmogorov énonce un résultat important concernant ce problème, le théorème KAM.
Il trouve son cadre dans une formalisation de la mécanique classique, la mécanique hamiltonienne, et affirme que les systèmes hamiltoniens peuvent avoir des comportements similaires aux systèmes intégrables.

À RETENIR

jusqu’à celle d’Einstein, relativiste, au début du xxe siècle. Aux xvme et xixe siècles, les mathématiciens Lagrange puis Hamilton vont fournir deux reformulations importantes de la mécanique analytique, cette fois en termes variationnels. Cette approche permet de décrire des phénomènes physiques à l’aide d’un principe d’économie appelé en mécanique « principe de moindre action » : le comportement observé d’un système correspond à la minimisation (ou à la maximisation) d’une certaine grandeur.