
L’analyse fonctionnelle est l’étude des espaces de fonctions, ces dernières pouvant évoluer dans des espaces de dimension infinie. Elle s’est développée à partir des travaux de Banach et de Hilbert et constitue aujourd’hui une branche essentielle des mathématiques ou de la physique théorique.
LES ESPACES DE DIMENSION
L’analyse fonctionnelle est la branche de l’analyse qui étudie les espaces de fonctions. C’est un domaine des mathématiques récent, puisqu’il s’est développé au xxe siècle à partir des travaux de Maurice Fréchet, Stephan Banach (considéré comme son fondateur) et David Hilbert. Ce domaine des mathématiques très abstrait a de nombreuses applications, notamment en physique quantique. C’est d’ailleurs pour fournir un cadre mathématique adapté à la naissante théorie quantique que Hilbert et von Neumann ont développé la théorie des opérateurs linéaires, élément clé de l’analyse fonctionnelle. L’analyse classique porte essentiellement sur des espaces de dimension finie. Ce cadre est tout à fait adapté pour résoudre des équations différentielles (des équations faisant intervenir des fonctions ainsi que leurs dérivées) linéaires. Mais, pour résoudre des équations plus compliquées (équations différentielles non linéaires, aux dérivées partielles, etc.), il est nécessaire de passer en dimension infinie.
DÉFINIR LES BONNES TOPOLOGIES
Lorsqu’on passe de la dimension finie à la dimension infinie, on perd de l’intuition géométrique. On peut voir l’analyse fonctionnelle comme une extension à la dimension infinie de la géométrie euclidienne en dimension finie. Pour pallier cette perte d’intuition – et notamment le fait que sur les espaces de dimension finie une seule topologie apparaît comme raisonnable -, on cherche à définir de bonnes topologies sur les espaces de dimension infinie. C’est Banach qui le premier s’attaque à cette tâche difficile. Il définit sur ces espaces de dimension infinie une norme (et donc une distance) qui permet de fournir une topologie à cet espace. Un espace de Banach est alors simplement un espace vectoriel (ensemble muni d’une structure permettant d’effectuer des combinaisons linéaires) normé (muni d’une norme) complet (c’est-à-dire que toute suite de Cauchy a sa limite dans l’espace). Ces espaces de Banach constituent la brique élémentaire de l’analyse fonctionnelle.
LA NOTION FONDAMENTALE D’ORTHOGONALITÉ
Les espaces de Hilbert constituent un cas particulier des espaces de Banach. La norme utilisée dans ces espaces provient d’un produit scalaire, ce qui introduit la notion fondamentale d’orthogonalité (qui prolonge la notion de perpendicularité pour des espaces euclidiens, comme dans le plan usuel en dimension 2), qui permet de parler de « projection » et donc de « base ». Les espaces de Hilbert sont plus simples à étudier notamment grâce à cette notion de base (on parle de « base hilbertienne ») qui n’existe pas de manière unique dans les espaces de Banach.
Les espaces de Hilbert constituent ainsi les espaces vectoriels de dimension infinie les plus simples. Les espaces de Hilbert fournissent un cadre privilégié pour le développement de l’analyse de Fourier, grâce à la possibilité de représenter une fonction en série de Fourier suivant une base hilbertienne. Ils fournissent également la possibilité de développer une théorie spectrale en dimension infinie, ce que Hilbert fera lui-même.
ESPACE VECTORIEL ET THÉORIE SPECTRALE
L’analyse fonctionnelle s’intéresse aux propriétés topologiques générales des espaces de fonctions (et plus généralement des espaces vectoriels de dimension infinie). Toutefois, une de ses branches, appelée « théorie spectrale », s’intéresse plus particulièrement aux propriétés des applications linéaires sur les espaces vectoriels de dimension infinie. La théorie spectrale a une double origine: elle vise d’une part à étendre les théorèmes de réduction des endomorphismes (application linéaire d’un ensemble sur lui-même) aux espaces de dimension infinie, et d’autre part à fournir un cadre de résolution de certaines équations aux dérivées partielles ou intégrales. La notion clé ici est naturellement le concept de « spectre ». Elle généralise la notion de valeurs propres d’une matrice ou d’une fonction en dimension finie. Le spectre d’un endomorphisme f est l’ensemble des nombres complexes X. (valeurs spectrales) tels que f – XI ne soit pas inversible (I étant l’endomorphisme identité).
LA THÉORIE DES DISTRIBUTIONS
Un des développements fondamentaux de l’analyse fonctionnelle est la théorie des distributions, formalisée par L. Schwartz. L’objet « distribution » permet de généraliser l’objet « fonction » grâce au concept de « dualité ». En règle générale, une fonction est évaluée en chacun de ses points, ponctuellement. L’idée maîtresse des distributions est de calculer une moyenne des valeurs de la fonction dans un domaine de plus en plus resserré autour du point d’étude. Grâce à la notion de distribution, il est possible de définir convenablement des opérations qui n’ont pas de sens si l’on reste dans le cadre des fonctions. En fait, l’espace des distributions est l’union de tous les espaces possibles et imaginables. Ainsi, au lieu de définir les opérations dans chaque espace que l’on rencontre, il suffit de les définir une seule fois « au sens des distributions ». L’exemple le plus connu de distribution est l’impulsion de Dirac, indispensable pour la formulation de la mécanique quantique.
À RETENIR
L’analyse fonctionnelle est la branche des mathématiques qui étudie les espaces de fonctions, et ce en dimension infinie. Les espaces de Banach en constituent la première brique, et les espaces de Hilbert en représentent l’outil le plus simple (car possédant une notion d’orthogonalité et donc de base de projection). Un outil important de l’analyse fonctionnelle est la théorie spectrale, et une de ses grandes avancées théoriques est l’invention de la théorie des distributions par Laurent Schwartz.