Le calcul infinitésimal est né vers la fin du XVIIe siècle, simultanément dans deux cerveaux d’exception : ceux de Newton et de Leibniz. Il formalise le calcul différentiel et le calcul intégral, en les considérant comme deux approches réciproques. Son rayonnement nous éblouit encore aujourd’hui …

LE DÉBUT DE LA MODÉLISATION MATHÉMATIQUE

Le calcul infinitésimal apparaît au XVII e siècle sous la plume de deux mathématiciens, physiciens et philosophes, Newton et Leibniz. Ce calcul permet de passer d’un mode d’étude des phénomènes de la nature (point de vue physique) qualitatif à une modélisation mathématique qui permet de prédire et de décrire précisément les mouvements. Le calcul infinitésimal marque les débuts des calculs analytiques en sciences. Ce calcul infinitésimal est la branche des mathématiques qui regroupe le calcul différentiel et le calcul intégral, deux aspects intimement liés. D’un point de vue mécanique, le calcul différentiel permet de calculer des vitesses ou des accélérations d’un système dont on connaît l’évolution, alors que le calcul intégral permet d’effectuer l’opération inverse, c’est-à-dire de retrouver une trajectoire d’un objet à partir de sa vitesse. Ces opérations sont toutefois réellement inverses l’une de l’autre sous certaines conditions, définies par les théorèmes fondamentaux de l’analyse.

CALCUL DIFFÉRENTIEL ET CALCUL INTÉGRAL

Avant la formalisation simultanée de Leibniz et de Newton, beaucoup de méthodes ont déjà été développées. Mathématiquement, le calcul différentiel avait pour objet la détermination de tangentes associées à une courbe donnée. Pour ce faire, Fermât et Descartes avaient développé des méthodes analytiques, alors que Barrow avait utilisé une méthode géométrique. Du côté du calcul intégral, le but était de déterminer des aires comprises sous une courbe donnée. Dans l’histoire du précalcul infinitésimal, on trouve la méthode d’exhaustion (utilisée par Eudoxe de Cnide, Euclide, etc.), la méthode des indivisibles (Roberval) et les méthodes de quadrature de Fermât et de Pascal. La naissance du calcul infinitésimal tel que nous le connaissons coïncide avec la prise de conscience que le calcul différentiel et le calcul intégral sont deux opérations réciproques. Si Barrow l’a remarqué, c’est bien Leibniz et Newton, parallèlement, qui vont formaliser cette idée et systématiser l’ensemble des résultats.

FLUXIONS ET FLUENTES

Newton développe ce que l’on appelle le « calcul des fluxions ». Dès 1669, il énonce trois règles afin de calculer l’aire sous une courbe. Il définit un algorithme de calcul d’inspiration cinématique. Cet algorithme s’applique à des quantités qui « fluent » au cours du temps (par exemple, le mouvement d’un point génère une ligne). Les quantités générées parce mouvement sont appelées les « fluentes », et les vitesses instantanées correspondantes sont appelées « fluxions ». Enfin, les « moments » correspondent aux incréments
infiniment petits par lesquels les quantités augmentent au cours de chaque intervalle de temps. Ces « incréments infiniment petits » sont précisément l’idée géniale qui sert de terreau au calcul infinitésimal. Même s’il prend un peu ses distances avec cette « nouvelle analyse » en s’orientant vers des quantités géométriques, Newton n’en continue pas moins de développer le calcul infinitésimal, notamment en définissant la notion de limite d’un rapport de deux quantités.

LA NOTION DE LIMITE

De son côté, Leibniz développe lui aussi son calcul infinitésimal. Il introduit la notion de différentiel et sa notation (encore utilisée aujourd’hui) et énonce les principales règles de la différenciation. Il introduit également le quotient dy/dx pour exprimer la pente d’une tangente en un point à une courbe. Leibniz traite également du problème des quadratures et introduit le symbole d’intégration (également encore utilisé) et définit les opérations de « sommation » (calcul intégral) et de « différenciation » (calcul différentiel) l’une par rapport à l’autre. Malgré une violente polémique entre Leibniz et Newton quant à la paternité du calcul infinitésimal, celui-ci se répand dans le monde mathématique, et, après quelques réticences de forme, il devient le nouvel outil pour l’analyse. Il sera perfectionné par Bolzano (un peu oublié), Cauchy (qui le refonde sur la notion de limite) mais aussi Weierstrass (qui introduira les termes « de deltas et d’epsilons » de la notion de limite).

LES CONTINUATIONS

Le théorème fondamental de l’analyse qui affirme que, pour une fonction continue, la dérivation et l’intégration sont des opérations réciproques est à la base de l’idée de calcul infinitésimal. Cependant, les progrès en mathématiques nous ont amenés à manipuler des fonctions qui sont tout sauf continues. Il a fallu, dans ce que l’on appelle aujourd’hui l’« analyse réelle », donner de nouvelles conditions pour que cette réciprocité perdure. C’est un des objets de la théorie de l’intégration avec la notion de fonctions intégrables au sens de Lebesgue. Le même genre de condition existe en analyse complexe, fille du calcul infinitésimal pour les nombres complexes. La postérité du calcul infinitésimal dans les mathématiques modernes est d’une richesse inouïe. On peut suivre sa descendance dans la théorie de la mesure, l’analyse fonctionnelle, les calculs de variations, les équations différentielles, l’analyse réelle et complexe ou bien encore dans la géométrie différentielle.

À RETENIR

Le calcul infinitésimal est la réunion du calcul différentiel et du calcul intégral opérée simultanément par Leibniz et Newton. Tandis que Newton développe son calcul des fluxions, Leibniz formalise son calcul infinitésimal, s’appuyant sur l’idée que l’intégration et la différenciation ne sont que des opérations réciproques. Les notations utilisées par Leibniz sont toujours utilisées. De nombreux champs des mathématiques modernes peuvent être vus comme une généralisation du calcul infinitésimal.