Depuis l’apparition de l’informatique, les mathématiques financières ont connu de profondes mutations. L’apparition récente des données et des algorithmes haute-fréquence nécessite de développer de nouveaux outils mathématiques afin d’en comprendre les opportunités, mais aussi les risques.
Pour étudier le trading haute-fréquence, qui vise à exploiter d’infimes écarts de cotations dans une échelle de temps de l’ordre de la microseconde, il faut développer des méthodes originales en mathématiques financières et en statistique des processus.
DIFFÉRENTS TYPES DE TRADING
Depuis la parution en 1900 de la thèse de Louis Bachelier intitulée Théorie de la spéculation, les mathématiques et la finance sont intimement liées au sein de ce que l’on appelle aujourd’hui les mathématiques financières. Du fait de la nature, considérée comme aléatoire, des marchés, les mathématiques financières sont essentiellement des probabilités. Dans le monde de la finance, le trading a pris une place de plus en plus prédominante.
Il est possible de distinguer deux grands types de trading: discrétionnaire ou algorithmique. D’un côté, le trader se base sur la connaissance du marché, sur les actualités et sur son intuition. D’un autre côté, le trading algorithmique offre une place importante aux algorithmes. Soit les algorithmes assistent l’opérateur lors de ses actions de bourse, les algorithmes permettant d’anticiper et de favoriser les opportunités d’arbitrages, soit ils agissent comme des agents autonomes effectuant des transactions. Ce dernier cas est le trading automatisé.
IMPORTANCE DU HFT
Si les algorithmes ont pu prendre une place si importante sur les marchés financiers, c’est grâce au développement phénoménal de la puissance de calcul des ordinateurs. L’apparition des algorithmes dans la finance date des années 1970, suite à l’informatisation des ordres. Ensuite, dans les années 2000, le trading algorithmique prend son essor lorsque la microstructure du marché change avec la prise en compte des décimales dans les calculs, fractionnant ainsi la valeur des ordres. Aujourd’hui, le trading algorithmique est en passe d’avaler le marché dans son ensemble. Ainsi, aux États-Unis, 75 % des institutions financières et 95 % des traders institutionnels ont recours à des stratégies de trading algorithmique. Et, au sein de ces stratégies, le trading haute-fréquence (HFT) atteint presque 60% du volume échangé sur les marchés d’actions. En Europe, le HFT est passé de 9 % à 40 % entre 2007 et 2011. Les mathématiques cachées derrière ces stratégies HFT ont ainsi également connu un boom.
LA MICROSTRUCTURE DES MARCHÉS
L’apparition des données haute-fréquence, et leur disponibilité, est un phénomène récent en finance. Ces données peuvent être les prix des actifs et les volumes échangés, le nombre d’acteurs, le nombre de vendeurs, les fréquences d’échange, etc. L’idée de la haute-fréquence est que ces données ne sont plus disponibles en tendance longue (par exemple par jour), mais par heure, par minute, voire aujourd’hui en microsecondes. L’étude de la structure du marché devient donc naturellement l’étude
de la microstructure du marché. L’arrivée de ces données haute-fréquence devrait permettre de modéliser les dépendances entre les actifs de façon robuste et ainsi d’optimiser les transactions. Mais pour étudier ce trading haute-fréquence, qui vise à exploiter d’infimes écarts de cotations dans une échelle de temps de l’ordre de la microseconde, il est nécessaire de développer des méthodes originales en mathématiques financières et en statistique des processus, notamment pour les semi- martingales.
STATISTIQUES DES PROCESSUS
Un processus aléatoire (ou stochastique) décrit l’évolution, en temps discret ou en temps continu, d’une grandeur aléatoire. L’étude des processus aléatoires s’inscrit naturellement dans là théorie des probabilités et en constitue d’ailleurs l’un des objectifs les plus profonds. On retrouve ces processus dans de très nombreux champs de la science mais aussi dans le monde de la finance. En particulier, ceux qui se trouvent au cœur des mathématiques financières classiques, dans la mesure où ils sont essentiellement les seuls compatibles avec la propriété de non-arbitrage, les semi-martingales. Ils sont, de plus, un outil de modélisation puissant dans le cadre haute fréquence. Une martingale est un processus aléatoire qui ne possède pas de partie prévisible relativement à l’information dont on dispose. On peut ensuite définir des martingales locales, puis des semi-martingales. Sous l’hypothèse d’absence d’opportunités d’arbitrage, les prix sont des semi-martingales, d’où leur rôle crucial. « FLASH-CRASH »
Si l’apparition des données haute-fréquence, assorties de leurs propres statistiques, ont entraîné le développement de nouveaux outils mathématiques, les risques qu’ils font courir aux marchés font eux aussi l’objet de nombreuses recherches. Parmi ces risques, on trouve la liquidité fantôme, l’augmentation de la volatilité ou celle des erreurs. Certains chercheurs estiment que le flash-crash du 6 mai 2010 (baisse du Dow Jones de 9,2 % en 10 minutes) serait dû à l’utilisation de ces algorithmes. Il existerait toutefois des moyens de contrôle, comme le « tick ». Le tick représente le plus petit écart autorisé sur une cotation, dont l’influence sur les échanges a été montrée récemment par le mathématicien Mathieu Rosenbaum. On comprend aisément que si le régulateur décidait de fixer ce tick à une valeur arbitrairement élevée, les algorithmes haute-fréquence deviendraient difficilement utilisables dans la mesure où ils s’appuient justement sur les écarts les plus infimes sur une cotation.
À RETENIR
Les mathématiques financières font l’hypothèse que le marché financier est aléatoire, et sont donc l’étude des processus aléatoires qui y vivent. Avec l’apparition de l’informatique, elles ont subi de profondes mutations. Avec l’augmentation de la puissance de calcul sont apparues les données et le trading haute-fréquence, qui traite aujourd’hui une part importante des transactions. Les recherches mathématiques en haute-fréquence ont ainsi pour but d’optimiser les transactions, mais aussi d’en juguler les risques comme les « flash-crash ».