Mandelbort nomme « fractales » les ensembles impossibles à faire entrer dans les types existants.
Dans les années 1970, Benoît Mandelbrot décide de s’occuper des « monstres » mathématiques. Il les nomme « fractales » et commence à en énumérer les propriétés. D’abord sceptique, la communauté mathématique prend petit à petit conscience de l’immense impact de la naissance de la géométrie fractale.

DES OBJETS INCLASSABLES

Les « monstres » mathématiques (poussière de Cantor, courbe de Peano, tapis de Sierpinski, etc.) sont connus par la communauté mathématique depuis fort longtemps. Mais, comme leur pathologie ne permet pas de les intégrer à une quelconque théorie, ils ont souvent été laissés de côté. Ce n’est que dans les années 1970 qu’un mathématicien du nom de Benoît Mandelbrot décide de les regrouper, de les nommer et d’en donner un certain nombre de propriétés communes. Mandelbrot crée en 1975 le mot « fractale » pour désigner ces monstres, « fractale » venant du latin fractus, qui signifie à la fois « brisé » et « irrégulier ». La communauté est d’abord sceptique face au caractère purement théorique, selon elle, de ces objets pathologiques. Mandelbrot en donne alors une définition (à base de dimensions), mais son coup de génie consiste à montrer le caractère universel des fractales en allant en dénicher des exemples directement dans la nature (nuages, montagnes, côtes rocheuses, etc.).

VALEUR NON ENTIÈRE ET DIMENSION

C’est par le biais de la notion de dimension que Mandelbrot donnera la première définition des fractales, sous la pression de la communauté mathématique. Cette définition est la suivante: un ensemble fractal est un ensemble dont la dimension de Hausdorff-Besicovitch est strictement supérieure à sa dimension topologique. On sait que la dimension topologique d’un ensemble est toujours un nombre entier et que celle de Hausdorff-Besicovitch admet des valeurs non entières. Ce qu’il faut donc retenir de cette première définition est que la dimension d’une fractale (appelée « dimension fractale ») est toujours une valeur non entière. Par exemple, le flocon de Koch a une dimension fractale égale à In 4 / In 3, soit environ 1,26. La dimension d’une fractale nous renseigne sur le degré de rugosité ou de complexité de celle-ci. Plus la dimension est élevée, plus la fractale sera irrégulière. De plus, les fractales sont les seuls objets qui possèdent une aire infinie avec un périmètre fini.

DEGRÉ DE COMPLEXITÉ ET AUTO-SIMILARITÉ

La caractéristique fondamentale d’une fractale mise en avant par Mandelbrot est la notion d’auto-similarité (appelée aussi « invariance d’échelle »). Plus précisément, Mandelbrot note que les parties d’une fractale ont la même structure que le tout, à ceci près qu’elles sont à une échelle différente et peuvent être légèrement déformées, que sa forme est extrêmement irrégulière ou fragmentée et le reste à toutes les échelles, et qu’enfin elle contient des éléments discernables dans une large gamme d’échelles. Ainsi, lorsque l’on regarde une portion d’une fractale, il est quasiment impossible de spécifier l’échelle à laquelle nous l’observons. Si cette auto-similarité est vraie quelle que soit l’échelle pour le modèle théorique des fractales (par exemple, pour les fractales construites à l’aide de la méthode Iterated Function System, très simple à programmer), il n’en va pas de même pour les fractales naturelles. En effet, dans la nature, l’auto-similarité s’arrête au bout d’un moment.

LA CONTRAINTE DE CONNEXITÉ

L’exemple le plus connu de fractale déterministe (construit mathématique en sachant où l’on va) est ce que l’on appelle aujourd’hui la «fractale de Mandelbrot ». Ce sont pourtant deux autres mathématiciens qui, dans les années 1910, en jetèrent les bases: Julia et Fatou travaillèrent sur des ensembles obtenus par itération d’un polynôme dans le plan complexe. On appelle « ensemble de Julia » la frontière de cet ensemble et « ensemble de Fatou » l’intérieur. Il faudra attendre l’arrivée des ordinateurs et le travail de Mandelbrot pour en apprécier la richesse. Mandelbrot tente de classer les ensembles de Julia selon une contrainte de connexité. Il obtient alors un ensemble M (appelé « ensemble de Mandelbrot ») qu’il représente graphiquement pour la première fois en 1979. Cette image devient rapidement extrêmement célèbre. De nombreuses études ont été entreprises sur cet ensemble, comme la recherche de la dimension de Hausdorff de sa frontière ou comme l’extension de cet ensemble aux quaternions.

DE MULTIPLES EXEMPLES DANS LA NATURE

On trouve de nombreux exemples de fractales dans la nature. Le corps humain, par exemple, est riche en structures fractales. Ainsi, celle des intestins permet de maximiser l’absorption des nutriments dans le sang, et celle des poumons de maximiser les échanges gazeux avec le sang. On retrouve cette structure chez les végétaux, comme l’arbre, qui offre une surface très grande permettant d’optimiser le processus de photosynthèse sans qu’il ait à augmenter en volume, ou comme les racines, qui possèdent une forme fractale favorisant l’absorption de l’eau et des minéraux du sol. La distribution de la matière dans l’univers est un exemple de structure fractale tout à fait passionnant. Il a été démontré que la distribution de matière dans l’univers était loin d’être uniforme (regroupement des étoiles en galaxies, puis en amas de galaxies). Certains chercheurs pensent que cette structure serait fractale. La géométrie classique ne permet plus de l’étudier, d’où l’utilité de la géométrie fractale.

À RETENIR

Les « monstres » mathématiques ont toujours existé, notamment des ensembles impossibles à faire entrer dans des types existants. Dans les années 1970, Mandelbrot les nomme « fractales » et en énumère les propriétés fondamentales: l’auto-similarité (la structure se retrouve à toutes les échelles) et la dimension fractale (dimension non entière). Cette géométrie prendra de plus en plus d’importance en mathématiques au fur et à mesure que la nature exhibera ses structures fractales.