avec modification Charles Darwin a révolutionné la biologie en dévoilant un mécanisme explicatif de révolution des espèces : les variations héritables donnent lieu à une modification graduelle des organismes qui conduit à la spéciation sous l’effet de la sélection naturelle opérée par la pression du milieu.

LE VOYAGE À BORD DU BEAGLE

Le 27 décembre 1831, le jeune Charles Darwin (1809- 1882), qui se destinait à la théologie afin de pouvoir assouvir sa passion pour les sciences naturelles, embarque pour un voyage d’exploration autour du monde à bord du Beagle. Pendant 5 ans, il collecte quantité de données géologiques, zoologiques, botaniques et anthropologiques, à partir desquelles il va mûrir une longue réflexion sur une idée que d’autres ont eue avant lui: les espèces ne sont pas fixes, mais se transforment (ou évoluent) au cours de leur histoire. Darwin rechigne à publier sa théorie transformiste avant d’avoir accumulé suffisamment de faits permettant de l’étayer. C’est en prenant conscience qu’un jeune confrère, Alfred Russel Wallace (1823-1913), développe une notion proche, qu’il se résout à publier la synthèse de ses idées. L’ouvrage, intitulé De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle, paraît en Angleterre le 24 novembre 1859. C’est un succès immédiat et une révolution dans l’histoire des idées.

LA SÉLECTION NATURELLE

La théorie darwinienne de l’évolution est une théorie de la descendance avec modification. Darwin dévoile un processus général: les espèces se modifient graduellement au cours du temps, et il avance un mécanisme explicatif central: la sélection naturelle, qui oriente l’évolution en opérant sur un champ de variations au sein des populations. Cette variabilité des espèces est le point de départ de toute la pensée de Darwin. L’espèce n’existe pas en soi, comme le stipule la philosophie « essentialiste », mais regroupe des individus qui différent les uns des autres. Il n’existe pas une essence de « chat », mais une infinie variété de chats désignés par une étiquette commune. Sitôt rentré de son voyage sur le Beagle et jusqu’à la publication de L’origine des espèces, Darwin a soigneusement observé le phénomène de la variation, aussi bien dans la nature que chez les espèces domestiques de plantes ou d’animaux. Il en a induit que les organismes sont dotés d’une capacité naturelle à varier.

HÉRÉDITÉ ET ASCENDANCE

La seconde étape de la pensée de Darwin est que les variations observées dans la nature sont héritables et peuvent être sélectionnées par l’homme. C’est le principe même de la sélection artificielle opérée par les éleveurs et les horticulteurs avec qui Darwin est en contact: sélectionner pour la reproduction les individus dont on souhaite généraliser les caractéristiques recherchées à l’ensemble de la population. Les variations étant héritables d’une génération à l’autre, l’homme modifie à terme la composition de l’espèce élevée. La sélection naturelle opère de même dans la nature, mais sans être dirigée vers un but donné (c’est une limite essentielle de l’analogie entre sélection artificielle et naturelle). Le corollaire immédiat de la variabilité et de la sélectionnabilité des organismes est que leur ressemblance est liée à une ascendance commune. Des attributs semblables partagés par des espèces qui ne se croisent pas indiquent qu’ils peuvent avoir été acquis d’un ancêtre commun.

SÉLECTION ARTIFICIELLE ET MILIEU

Dans la sélection artificielle, l’homme est l’agent responsable de la sélection des variations des organismes. Mais quel est cet agent dans la nature, s’il existe? Darwin va montrer qu’il s’agit en fait du milieu dans lequel vit un organisme (son environnement, les autres espèces et les concurrents de sa propre espèce). Darwin avait lu un ouvrage intitulé Essai sur le principe de population dans lequel Thomas Malthus montrait que la croissance de la population d’une nation était de nature exponentielle, tandis que sa capacité à produire de la richesse croissait plus lentement. Il en retint que les ressources du milieu étaient limitées, alors que les espèces croissaient sans limite. Or le spectacle de la nature qu’il observait était celui de la coexistence de myriades d’espèces en parfait équilibre, pas celui du surpeuplement et de l’hégémonie. Le milieu opérait donc la contrainte de sélection : y survivaient les organismes possédant les caractéristiques les mieux adaptées.

LA SPÉCIATION POPULATIONNELLE

Comment, dès lors, Darwin aboutissait-il à la spéciation, à l’apparition de nouvelles espèces? Compte tenu de l’héritabilité, les organismes les mieux adaptés bénéficient de meilleures chances de se reproduire et de transmettre des caractéristiques avantageuses à leurs descendants. C’est ce succès reproductif différentiel qui constitue la sélection naturelle. Cette descendance avec modification, à l’échelle de l’organisme, va se traduire, à l’échelle des populations, par la transformation de l’espèce au cours des générations: les caractéristiques héritables des individus finissent par dominer et donner naissance à une nouvelle espèce, différente de l’espèce souche. On assiste ainsi à une apparition des espèces par spéciation populationnelle. On sait aujourd’hui que la sélection naturelle, dont le rôle a pu être discuté, n’opère pas seulement au niveau de l’organisme, mais à différents niveaux. Le mécanisme révolutionnaire proposé il y a 150 ans par Darwin demeure central en biologie.

À RETENIR

Dans De l’origine des espèces, publiée en 1859, Charles Darwin (1809-1882) développe la théorie transformiste de la descendance avec modification, à la base du cadre conceptuel de la biologie contemporaine. Les variations des organismes étant héritables, la pression exercée par leur milieu de vie exerce une sélection naturelle permettant aux individus les plus adaptés de transmettre leurs traits avantageux à leur descendance, aboutissant ainsi, graduellement, à généraliser ces traits dans la population jusqu’à ce qu’une nouvelle espèce apparaisse.