Impossible aujourd’hui de ne pas connaître le nom de Newton et d’ignorer qu’on lui doit la première loi de la gravitation universelle, à travers le mythe de la pomme. Cependant, ses Principes parus en 1687 sont bien plus riches que la seule gravitation et méritent largement que l’on s’y replonge.
LE RETOUR AU TEXTE
Philosophe, mathématicien, physicien, alchimiste, astronome et théologien anglais, Isaac Newton est simplement l’un des plus grands génies de tous les temps. Ses Principes mathématiques de la philosophie naturelle, publiés en 1867, marquèrent un tournant dans l’histoire des sciences et bouleversèrent notre rapport au monde. En rompant définitivement avec la physique aristotélicienne et en soumettant à la loi de la gravitation universelle l’ensemble des phénomènes terrestres et célestes, Newton parvint, dans cet ouvrage sans précédent, à unifier la physique. Les Principes peuvent être considérés comme le point d’aboutissement des travaux du xvne siècle et le point de départ de la mécanique rationnelle moderne. Toutefois, on connaît Newton sans le connaître. Peu de monde retourne au texte même de Newton, se contentant le plus souvent d’exégètes. Et pourtant, le texte de Newton est tout simplement magnifique et mérite, au-delà de sa postérité et du mythe, d’y revenir sans intermédiaire.
LA PHILOSOPHIE NATURELLE
Newton a écrit ses Principia en latin, langue de la science à l’époque. La première édition parut en 1687 ; une seconde, avec corrections, en 1713, et une troisième, améliorée, en 1726. Une traduction anglaise a été publiée après sa mort en 1729, mais, en général, c’est à l’édition latine de 1726 qu’il est fait référence. Le titre renvoie à la « philosophie naturelle », expression qu’on remplacerait aujourd’hui par le mot « physique ». Dans les trois livres des Principia, Newton pose les principes de base de la mécanique classique, présente les lois d’attraction sous leur forme la plus générale, déduit de la forme elliptique des orbites de certains astres la loi de gravitation universelle en inverse du carré de la distance entre le centre attracteur et le corps attiré, applique ses résultats à des solides et des fluides. Il commence son Livre III par les quatre « règles qu’il faut suivre dans l’étude de la physique », un guide pour la mise en œuvre de la méthode scientifique.
LE RÔLE DE VOLTAIRE
Voltaire était exilé à Londres quand il assista aux funérailles de Newton en 1727 et commença alors à s’intéresser aux théories de ce physicien. L’intérêt des scientifiques français pour les théories de Newton devint important dans les années 1730, cependant que se développait une polémique entre « impulsionnaires » cartésiens et « attractionnaires » newtoniens. En 1736, Voltaire et Émilie du Châtelet étudiaient ensemble les œuvres de Newton. Emilie du Châtelet pensait qu’elle
n’avait pas de génie, mais elle se voulait médiatrice entre les grands savants et les hommes de culture. Elle maîtrisait remarquablement bien le latin et, de plus, était en mesure de comprendre la physique de Newton. En fait, elle est allée bien au-delà d’une traduction fidèle et claire, car son érudition et sa compréhension en profondeur des concepts lui ont permis, dans la partie de l’ouvrage qui suit la traduction des Principia, d’apporter une contribution personnelle originale et remarquable de modernité.
LA MARQUISE DU CHÂTELET
Gabrielle-Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet, est probablement la femme scientifique française la plus connue du grand public, après bien sûr Marie Curie et Irène Joliot-Curie, ceci en particulier grâce aux efforts constants d’Elisabeth Badinter. Elle a suivi les leçons des plus grands scientifiques de son époque et a été membre de l’institut de Bologne. Elle a été la maîtresse de Voltaire, qui admirait ses talents de scientifique, l’encourageait et a travaillé en collaboration avec elle pendant plusieurs années dans ses activités en physique. Emilie du Châtelet dédia à son fils les Institutions de physique en 1740, dans lesquelles elle développait de manière vulgarisée les théories de Leibniz. Elle a été engagée dans la polémique sur la forme de l’énergie cinétique et a mené des expériences pour prouver que les forces vives étaient proportionnelles au carré de la vitesse, et non à la vitesse comme le pensaient certains scientifiques à la suite de Descartes.
L’IMPORTANCE DES COMPLÉMENTS
Pour ses commentaires, Emilie du Châtelet s’est inspirée des travaux de Clairaut. Celui-ci a relu son travail pour en assurer la publication posthume en 1756, T ouvrage sous sa forme définitive paraissant en 1759. L’œuvre publiée contient, après la « Note de l’éditeur » et la « Préface de Monsieur de Voltaire », la traduction des Principia par Émilie du Châtelet. On y trouve ensuite sa contribution personnelle sous le titre comprenant deux parties : Exposition abrégée du Système du Monde et explication des principaux phénomènes astronomiques tirée des Principes de M. Newton, suivie de Solution analytique des principaux problèmes qui concernent le Système du Monde. Émilie du Châtelet inclut dans son texte des références à des ouvrages scientifiques publiés jusqu’à deux ans auparavant. Elle utilise dans la seconde partie, Solution analytique des principaux problèmes qui concernent le Système du Monde, des démonstrations rigoureuses de calcul intégral inspirées par les méthodes de Leibniz.