Dans les premiers mois de 2017, la NASA a détecté sept exoplanètes de taille équivalente à celle de la Terre et situées à 40 années-lumière de chez nous… soit à plusieurs milliards de milliards de kilomètres… Comment réaliser une telle prouesse technique ?

On pourrait naïvement croire qu’il suffit de mettre l’œil à l’oculaire d’un télescope et d’observer longuement les étoiles à la recherche d’un petit point qui tournerait autour. Malheureusement, notre œil n’a pas la faculté de pouvoir voir aussi loin, surtout avec si peu de lumière. « Dès les débuts de la photographie, les astronomes ont utilisé les plaques photographiques pour capturer la lumière émise par les astres, ce qui a permis par exemple de révéler la structure des galaxies. Aujourd’hui, ils utilisent des détecteurs dernier cri, comme ceux qui occupent le cœur des appareils photos et des caméscopes numériques » note Pascal Bordé, auteur d’une thèse de doctorat sur les exoplanètes. Cela étant, même avec du matériel de la plus haute technologie, la détection reste une entreprise extrêmement ardue, car les objets sont très faiblement lumineux par eux-mêmes et plongés dans la lumière de leur étoile. « On pourrait comparer cette entreprise à la capacité de distinguer une luciole dans la lumière d’un réverbère à plusieurs milliers de kilomètres de distance ! Jusqu’à présent, nous n’avons pas réussi une telle prouesse, et c’est bien pourquoi vous n’avez jamais vu de photo d’exoplanète dans les journaux. . . » poursuit le spécialiste. Commençons par faire un tour d’horizon des méthodes utilisées au cours des dernières années pour détecter les exoplanètes.

PLUSIEURS MÉTHODES UTILISÉES

La méthode de chronométrage du signal radio émis par les pulsars, des étoiles à neutron, a permis la détection des deux premières exoplanètes en 1992. Cette méthode ne s’applique qu’à un nombre d’astres très restreint, à savoir ceux qui orbitent autour d’un pulsar. Une quinzaine d’objets ont été ainsi détectés à ce jour grâce à ce procédé.
On ne parle aujourd’hui plus guère de ces découvertes qui ont été éclipsées à l’automne 1995 par la découverte de 51 Pegasis b, gravitant autour d’une naine jaune, soit une étoile semblable à notre Soleil. La méthode des micro-lentilles gravitationnelles est utilisée pour sonder un type précis d’exoplanètes : celles qui gravitent autour des étoiles du halo de la Galaxie. Si cette technique permet la détection d’objets de faible masse éloignés de leur étoile, elle présente l’inconvénient d’une mesure Imprévisible et donc fortuite.
Une vingtaine d’exoplanètes ont toutefois été détectées par ce biais. Avec plus de 500 planètes découvertes en 201 3, la méthode de vélocimétrie a été la plus fructueuse à ce jour ; on l’appelle également « méthode des vitesses radiales ». On sait que tout au long de son orbite, la planète exerce une attraction gravitationnelle sur son étoile, attraction réciproque de celle que l’étoile exerce sur la planète. « L’étoile se trouve ainsi entraînée dans un léger mouvement de rotation autour d’un point appelé « centre de masse » du système étoile-planète.
L’étoile s’approche et s’éloigne donc alternativement d’un observateur situé sur Terre » explique Pascal Bordé. Grâce à l’effet Doppler (voir notre encadré), on peut mesurer ce mouvement de va-et- vient qui laisse une trace dans la lumière que cet observateur reçoit de l’étoile. Cette trace parait plus bleue lorsque l’étoile s’approche de l’observateur, plus rouge lorsqu’elle s’en éloigne. La méthode est d’autant plus efficace que la planète est massive et proche de son étoile. Son principal inconvénient est qu’elle ne donne pas accès à la masse de la planète, mais seulement à une limite inférieure de celle-ci, à moins que le système constitué par l’étoile et la planète en orbite ne soit vu par la tranche (ce qui est le cas lors des observations de transit planétaire).
Seconde méthode la plus développée à ce jour, la méthode des transits est aussi très fructueuse. Elle doit sa renommée aux missions spatiales CoRoT et surtout Kepler et se montre particulièrement adaptée aux planètes volumineuses proches de leur étoile. «Si le plan de l’orbite est correctement incliné par rapport à l’observateur, la planète passe – on dit qu’elle transite – devant son étoile » précise Pascal Bordé. En effet, lorsque l’inclinaison de l’orbite de la planète par rapport à l’observateur est proche de 90 degrés, le système est vu presque parfaitement par la tranche. Ainsi, la planète va passer devant son étoile en faisant baisser légèrement sa luminosité.
C’est ça, le « transit » planétaire.
En général, la détection par transit nécessite une confirmation par la technique de vélocimétrie. Les deux méthodes sont donc souvent employées en complément l’une de l’autre. L’observation d’un transit à l’avantage de fournir le rayon de la planète. Avec la masse, donnée par la vélocimétrie, on obtient la densité.
Le couplage de ses deux méthodes est, encore à l’heure actuelle, le meilleur moyen de caractérisation des exoplanètes. Dernière méthode, l’astrométrie propose de détecter le mouvement périodique de l’étoile autour du centre de gravité du système. Elle est particulièrement efficace lorsque l’orbite de la planète est perpendiculaire à la ligne de visée. « Le principe consiste à comparer la position d’une étoile soupçonnée de posséder une planète à la position d’étoiles de référence.
À nouveau, un mouvement périodique de l’étoile-hôte trahit indirectement la présence d’une planète. La réalité de cette méthode est très complexe du fait qu’aucune étoile n’est immobile dans l’univers, en raison à la fois du mouvement propre de l’étoile et du mouvement de l’observateur : tout l’art consiste à séparer les différentes composantes du mouvement et à montrer que l’une d’entre elles est due à une planète ».

UNE OBSERVATION DIRECTE DES EXOPLANÈTES

Le point commun de toutes ces méthodes est qu’elles sont indirectes, au sens où on doit déduire indirectement leur présence des effets qu’elles induisent sur leur étoile-hôte. Tous les efforts de ces dernières années ont consisté pour les chercheurs à développer des méthodes de détection directe des exoplanètes. C’est l’enjeu le plus important de l’instrumentation astronomique moderne. Encore en développement, elle est pourtant déjà utilisée. Elle est adaptée à la détection de planètes massives éloignées de leur étoile et se révèle très efficace dans le cadre de petites étoiles dont la luminosité est faible (comme les naines rouges), car le contraste de flux entre la planète et l’étoile est favorable, si bien que la planète est plus facilement détectable directement. Beaucoup d’espoirs sont portés sur cette méthode et les efforts convergent dans cette voie avec la mise en place de nouveaux instruments tels que la coronographie stellaire et des outils de pointe tel le télescope spatial James Webb, qui succédera l’année prochaine au télescope spatial Hubble. Sice nouveau télescope ne couvre qu’une partie du spectre lumineux dans le visible que pouvait observer son prédécesseur, il peut collecter une image neuf fois plus vite que Hubble et sera complémentaire aux futurs grands observatoires terrestres comme le fameux TMT (Thirty Meter Telescope), qui sera le premier télescope de la génération des Extremely Large Telescope (ELI).

saviez-vous ?

Il y a plusieurs façons de trier les exoplanètes. D’abord, une classification structurelle range les planètes dans des catégories par rapport à leur composition (planète tellurique ou planète gazeuse), leur masse, leur température [Jupiter chaud, Jupiter froid), mais aussi leur position cosmique. Il existe aussi des catégories transverses, pour désigner par exemple les planètes à période de révolution ultra- courte ou ultra-longue.

L’EFFET DOPPLER

La masse des planètes en orbite autour de leur étoile perturbe le mouvement de l’étoile. Ce roulis peut se signaler comme un décalage de fréquence dû à l’effet Doppler dans un trait caractéristique du spectre de l’étoile. Cet effet s’applique à tout objet en mouvement par rapport à un autre. Il désigne le décalage de fréquence d’une onde observé entre les mesures à l’émission et à la réception, lorsque la distance entre l’émetteur et le récepteur varie au cours du temps. « Les ondes en provenance d’une source qui s’approche parviennent comprimées et apparaissent ainsi comme ayant une fréquence plus élevée. De même, les ondes sont étirées, et nous atteignent donc plus lentement, quand elles proviennent d’une source qui s’éloigne » explique l’astrophysicienne Joanne Baker. L’effet Doppler n’est pas uniquement utilisé dans la recherche des exoplanètes. Il a été utilisé par Hubble pour théoriser l’expansion de l’univers en 1922 avec le fameux « décalage vers le rouge » du spectre des étoiles. Il indique que l’ampleur du décalage vers le rouge d’une galaxie est proportionnelle à la distance qui nous en sépare. Plus la galaxie est loin, plus elle s’éloigne vite. L’effet Doppler est également utilisé sur terre par les radars d’autoroute.