Franchir le mur de Planck ?

Il est mur infranchissable par excellence. Le mur derrière lequel se trouve l’explication derrière laquelle courent nos physiciens depuis les années 1950 : l’unification primordiale des quatre interactions fondamentales de l’univers.

Dans l’univers primordial, il n’y avait que des particules élémentaires (électrons, quarks, neutrinos, photons etc.) enfermées dans un volume minuscule, dotées d’une énergie très élevée et interagissant entre elles. Elles constituaient donc l’intégralité du contenu matériel de l’univers, et, à mesure que celui-ci se dilatait en se refroidissant, elles perdirent une part croissante de leur énergie et leur degré d’agitation baissa progressivement. Lorsque la température atteignit une valeur suffisamment basse, les quarks, sensibles à l’interaction nucléaire forte, purent s’agréger pour former de nombreuses sortes de particules composites (hadrons) que les physiciens ont classées. À cette époque, l’interaction électromagnétique et l’interaction nucléaire faible, pourtant très différentes l’une de l’autre, étaient réunies pour former la force électro-faible, laquelle s’est rapidement dissociée en deux forces distinctes.

Le « mur de Planck » marque le passage à la période de l’histoire de l’univers au cours de laquelle les quatre interactions fondamentales étaient unifiées et qu’elles s’appliquaient en même temps. Il marque ainsi également le moment où nos équations s’arrêtent et la contradiction entre les deux grands formalismes astrophysiques (relativité générale et physique quantique). « Nous sommes actuellement en mesure de décrire l’histoire de l’univers qui nous sépare du mur du Planck, elle a duré 13,7 milliards d’années.

On est très précis à partir du moment où l’expansion a suffisamment refroidi les particules pour que leur énergie soit de l’ordre de celle d’un moustique en vol (vitesse maximale qu’on arrive à reproduire avec le LHC). De l’énergie développée par un moustique en vol à celle développée par un TGV à pleine vitesse (correspondant à quelques fractions de secondes permettant d’arriver jusqu’au mur de Planck), on n’a pas de mesures précises expérimentales mais on a des Idées, des théories physiques prétendant décrire cette phase. Mais en amont du mur de Planck lui-même, on ne peut rien dire… il est donc absurde de parler d’une singularité initiale, d’une origine de l’univers ou d’un instant zéro » commente le physicien et brillant vulgarisateur Étienne Klein.

Les lois connues de la physique s’arrêtent devant le mur de Planck. On se doute simplement que les concepts de temps et d’espace n’ont plus de sens. Einstein a décrit la structure courbe de l’espace-temps à l’échelle macroscopique par la relativité générale, mais aucune théorie ne peut décrire la structure de l’espace-temps à l’échelle microscopique puisque pour cela, il faudrait une théorie du tout unifié (description des quatre interactions fondamentales dans l’univers primordial). Le « mur de Planck » est le moment à partir duquel la physique d’Einstein n’est plus valide puisque selon la relativité générale, c’est l’interaction gravitationnelle qui créée l’espace-temps (la gravitation n’est plus une force s’exerçant dans l’univers, mais la propriété géométrique de l’espace-temps lui-même, engendrant sa courbure). Or, la gravitation est effectivement la force prépondérante à grande échelle parmi les quatre forces fondamentales à l’œuvre dans l’univers, mais ce n’est pas la seule…

La relativité générale est donc une théorie qui porte mal son nom, car elle est spécifique à la gravitation. Pour remonter jusqu’à la singularité initiale (Big Bang), il faut prendre en compte que l’univers, outre la gravitation, rencontre des conditions physiques correspondantes à des situations où les particules ont beaucoup plus d’énergie que dans l’univers actuel et qu’elles subissent toutes les forces d’interaction en même temps. Il faut donc, pour décrire l’univers primordial, élaborer une théorie capable de décrire en même temps les quatre forces d’interaction fondamentales. Autrement dit, les astrophysiciens tentent de combiner la relativité générale (qui décrit la gravitation, donc l’univers à echelle macroscopique) avec la physique quantique (qui décrit l’interaction nucléaire faible, l’interaction nucléaire forte et l’électromagnétisme, combinés dans l’univers à échelle microscopique). Unifier les formalismes ? C’est bien tout le problème ! « La physique quantique repose sur des principes contradictoires par rapport à ceux de la relativité générale, car elle ne se base pas sur le même espace-temps. Par exemple, en physique quantique, l’espace-temps est rigide et plat (sans courbures) et complètement décuplé de la matière qu’il contient (l’espace-temps de la relativité restreinte).

Il est donc très différent de l’espace-temps de la relativité générale, qui lui est souple et dynamique, admet des courbures dans l’espace-temps par la gravitation et se trouve en interaction constante avec la matière et l’énergie qui se trouvent en son sein » explique Étienne Klein. Pour franchir le « mur de Planck », il faut être d’abord être d’accord sur l’espace-temps qu’on choisit pour unifier les quatre forces. Jusqu’ici, toutes les tentatives d’unification ont échoué…

MAX PLANCK : LE GÉNIE FONDATEUR

Max Planck est né à Kiel, en Allemagne, en 1858. Bien qu’il soit doué dans de multiples domaines, aussi bien académiques qu’artistiques, il choisit d’étudier la physique à l’université de Munich puis, plus tard, à l’université de Berlin. En 1878, il réussit ses examens de fin d’études. Tout au long des dernières décennies du 19e siècle, les travaux de Planck se concentrent sur un domaine principal : la thermodynamique. Il est fasciné par la physique de la chaleur et par la distribution des spectres d’énergies du rayonnement. C’est cette passion qui le conduit à essayer de résoudre le « problème du corps noir ». Planck proposa finalement une solution mathématique possible au problème du corps noir. Le caractère non classique de cette solution, bien que plutôt inattendu, n’était pas pour autant totalement révolutionnaire pour l’époque.

Simplement, la communauté des physiciens ne savait pas comment considérer cette théorie qui semblait fonctionner sur le papier, mais qui paraissait négliger certaines « vérités » physiques tenues jusque-là pour acquises. Cette théorie ne s’intégrait pas à l’ensemble des lois classiques qui régissaient la physique à cette époque. Quelle est donc cette chose que Planck avait découverte et pourquoi était-elle si difficile à admettre ? L’équation que Planck avait établie décrivait les phénomènes du corps noir d’une façon purement mathématique, mais ne fournissait aucune explication physique plausible.

La signification du travail de Planck ne fut donc pas immédiatement apparente. S’il avait trouvé la meilleure façon de calculer le caractère apparemment discontinu d’une forme très spécifique de lumière, Planck n’avait pas même commencé à expliquer ce qui se passait dans le corps noir. Pourquoi ? Par désespoir… accumulé entre 1898 et 1900. La constante de Planck est dite « H » pour « Hilfe », qui signifie « à l’aide » en allemand. Planck était véritablement désespéré, car il considérait avoir trahi la physique en modifiant son équation dans un sens qu’il pensait fallacieux [Planck ne croyait pas à l’atome). Einstein sera le premier, cinq ans plus tard, à révéler ce que l’équation de Planck disait implicitement : les échanges d’énergie sont quantifiables. Planck n’a jamais totalement accepté sa propre hypothèse, alors qu’il a été l’amorce fondatrice de la révolution quantique, par ce qu’on appelle la « théorie des quanta ».

Saviez-vous ?

Si vous avez vu Interstellar, le film de Christopher Nolan sorti en 2014, vous avez pu constater que l’énigme principale du film réside dans le fait de trouver les « données quantiques de la gravitation » dans l’horizon du trou noir judicieusement appelé « Gargantua ». Très au fait des avancées astrophysiques, Nolan a donc cherché à réaliser par le cinéma ce que les physiciens peinent à atteindre en réalité : décrire la gravitation à l’échelle microscopique.

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