Si les scientifiques ont toujours cherché la vérité par l’expérience et l’observation, les puissances religieuses, dans l’exercice d’un pouvoir moral, économique et politique, n’ont pourtant pas toujours fait preuve de la plus grande tolérance à l’égard des sciences.
Bien que les croyances polythéistes ancestrales aient souvent permis de développer un terreau fertile pour le savoir et la connaissance, certaines religions ont en revanche exercé un contrepoids considérable et opprimé bon nombre de savants qui auraient sans doute pu faire avancer l’histoire officielle des sciences bien plus vite. Dans l’Égypte Antique, les dieux égyptiens majeurs et

le panthéon mythologique constituaient une forme de protoreligion polythéiste : Seth incarnait le Mal et tout ce qui renvoyait au négatif, Horus l’Ancien la protection, Isis et Osiris la fertilité, ou encore Rê, le dieu solaire, renvoyaient à des croyances antiques qu’il n’était pas pensable de remettre en question. Nul doute donc qu’une forme de religiosité habitait déjà les peuples prédynastiques de l’ancienne Égypte. Celle-ci s’est développée au fil des siècles avant de se diversifier et de se répandre partout dans l’Empire, avec une nette tendance à favoriser le culte solaire, qui connut sont paroxysme avec le 1 0e pharaon de la 1 8e dynastie, Aménophis IV, tant et si bien que celui-ci changera son nom en « Akhenaton » en hommage au dieu solaire Aton. Selon le philosophe autrichien Sigmund Freud, le culte du dieu Aton est l’une des premières manifestations du concept d’infini dans l’histoire de la pensée humaine. Akhenaton tenta ainsi d’imposer un culte solaire avec le dieu unique Aton en éclipsant des millénaires de tradition polythéiste égyptienne qu’il substitua même au dieu solaire Rê, au grand dam des prêtres thébains. Son successeur, Ânkh-Khéperourê, ordonnera d’ailleurs aussitôt d’effacer les traces de son règne et de restituer au panthéon polythéiste égyptien toute sa grandeur. L’influence de la mythologie égyptienne imprégnera sans conteste les empires gréco-romains. Toutefois, c’est un dieu lunaire qui incarnera chez les kêmi l’intelligence divine : Thot. Dans le syncrétisme gréco-romain, ce dernier sera assimilé à Hermès/Mercure, mieux connu sous le nom de Hermès Trismégiste, le maître de tous les arts, et dont le seul verbe est créateur, mais qui est aussi le maître de la science et des signes. Plus tard et
O iStock-vencavolrab très populaire dans les légions romaines, le culte du Sol Invictus, religion apparue au 3“ siècle de notre ère, reprenait à la fois la mythologie d’Apollon et le culte de Mithra en plaçant le Soleil au centre de l’Unlvers et comme étant la représentation du divin. Si le judaïsme et la chrétienté existaient déjà et prenaient progressivement le pas sur les cultes mythologiques polythéistes, la religion chrétienne connaîtra au 3e siècle une popularisation éclair, en partie grâce au contexte compliqué de la crise de l’Empire romain à cette époque. L’empereur Constantin Ier, sentant que son empire est à ce moment au bord de la dislocation, tente de le fédérer tout entier en conservant un polythéisme affirmé, mais en adoptant lui-même le culte du Sol Invictus, symbole de l’universalité du Soleil. Si la date de conversion de Constantin l“ fait encore débat parmi les historiens, la signature de l’Édit de Milan en 313 permit au culte chrétien d’être sur un pied d’égalité avec les autres, et de ne plus voir les chrétiens persécutés au sein de l’Empire. Nul doute
qu’il s’agit là de l’une des raisons pour laquelle le culte chrétien reprend des éléments cosmologiques directement issus du calendrier romain, à l’instar de la fête de Noël le 25 décembre, de la sacralisation du dimanche comme jour de repos par syncrétisme, tandis qu’il s’agissait initialement d’un hommage rendu au Sol Invictus par Constantin 1er. Paradoxalement, l’aboutissement de la religion à un monothéisme absolu engendra une perte de la diversité des cultes et, par conséquent, de la pensée instaurés jadis dans la Rome antique. Ce qui engendra, concile après concile, un enclavement dans une pensée riche mais unique et, parfois, en contradiction avec l’observation scientifique. C’est donc sans surprise que l’Église se refusa chaque fois à admettre toute remise en question du dogme cosmologique chrétien. En somme, la cosmologie polythéiste, qui était une véritable école de l’enseignement, avait fait place au monothéisme et au dogme, freinant par la même occasion les avancées scientifiques réalisées par les plus grands esprits de leur temps.

Aller plus loin
ANAXIMANDRE OU LA PREMIÈRE THÉORIE DE L’UNIVERS !
Le savant grec Anaximandre de Milet était un philosophe du 6e siècle av. J.-C. dont on suppose qu’il succéda au célèbre ‘j Thalès comme maître de l’école milésienne. Il est aussi le premier à avoir osé un schéma de l’univers qui avait pour vocation d’expliquer l’origine de tous Les phénomènes cosmologiques, et plus largement de toutes choses. C’est à ce titre que L’Histoire retient ses théories sur le sujet comme une avancée majeure et révolutionnaire pour la science. C’est ce principe de toutes choses qu’Anaximandre nommera crrTEipov, rendu par Le mot « apeiron », désignant L’infini. Un concept novateur, qui désigne à la fois l’illimité, l’inengendré, L’indéterminé, mais aussi la cause génératrice. En substance, La conception révolutionnaire d’Anaximandre de l’Univers tient dans le fait de définir un modèle dans lequel la Terre « flotte » en équilibre et de façon immobile au centre de l’Univers, comme suspendue dans le ciel sans aucun support. Une affirmation qui permit l’avènement d’une pensée philosophique absolument nouvelle, et que le philosophe des sciences Karl Popper qualifiera comme étant « l’une des idées les plus audacieuses, les plus révolutionnaires, les plus prodigieuses de toute l’histoire de la pensée humaine ». Concernant l’origine de la Vie, et prenant acte de l’existence des fossiles, Anaximandre développait une théorie évolutionniste dans laquelle les animaux naquirent tous dans la mer, et évoluèrent en s’adaptant à leurs milieux en changeant d’apparence et de forme, posant de fait les premières conceptions du darwinisme. Un véritable visionnaire !