Lavoisier, père de la chimie moderne, démontra le rôle de l’oxygène dans les phénomènes de combustion, lente ou rapide, ce qui invalida la théorie du phlogistique. Il déterminat expérimentalement la composition de l’air, prouvant qu’il ne s’agissait pas d’un élément, mais d’un mélange gazeux.

LA MATIÈRE CHANGE MAIS PAS LA MASSE

Touche-à-tout de génie, chimiste, philosophe et économiste, Antoine Laurent de Lavoisier (1743-1794) est considéré comme le père de la chimie moderne. Entré dans l’histoire de la chimie en 1765 avec un mémoire sur l’analyse du gypse, il s’illustra en prouvant que la matière change d’état dans une réaction chimique, mais pas la masse totale des réactifs et des produits, étudia la composition de l’eau, dont il nomma les composants « oxygène » et « hydrogène », et participa à la réforme de la nomenclature chimique. Sur le plan de la méthode, il réalisa les premières expériences chimiques véritablement quantitatives à l’aide de la balance la plus précise d’Europe à laquelle son poste de fermier général lui donnait accès (ce même poste qui lui valut d’être guillotiné en 1794 lors de la Révolution française !). L’une de ses principales découvertes fut la découverte de la combustion par l’oxygène en 1775, qui allait sonner le glas de la théorie en vigueur à l’époque, le phlogistique.

AIR DEPHLOGISTIQUÉ OU OXYGÈNE?

Bien qu’il l’ait nommé, Lavoisier n’a pas découvert l’oxygène. C’est Joseph Priestley qui le premier avait réussi à isoler l’oxygène en 1774, mais sans pour autant comprendre son rôle de comburant, c’est-à-dire de corps chimique permettant la combustion d’un combustible. Et pour cause : Priestley adhérait à la théorie du phlogistique. Selon cette théorie, élaborée puis développée par deux médecins et chimistes allemands Johann Joachim Becher et Georg Ernst Stahl, la chaleur était constituée d’un fluide incolore et inodore, le phlogistique (d’après le grec phlogistos, « inflammable »). La perte de masse résultant d’une combustion était attribuée au départ du phlogistique, c’est-à-dire de la chaleur. Tous les matériaux inflammables devaient donc contenir du phlogistique. Conformément à cette théorie, Joseph Priestley avait baptisé l’oxygène « air déphlogistiqué », car il était capable de se combiner avec le phlogistique et de brûler plus longtemps que de l’air ordinaire

LE COMBURANT

Pour Lavoisier, le phlogistique était une hypothèse inutile. En 1775, il refait l’expérience de Priestley, qui consistait à chauffer de la chaux rouge de mercure, et retrouve le même gaz inodore, incolore et comburant, l’oxygène. Mais les méthodes de Lavoisier sont plus perfectionnées et il veille en particulier à peser avec précision la chaux avant et après combustion ainsi que l’air « plus pur » qu’elle produit. Il constate ensuite que ce gaz peut être extrait par chauffage d’autres métaux, puis qu’en faisant brûler du soufre, du phosphore ou encore du charbon dans ce gaz, on obtient une substance acide. Il déduit que les métaux sont formés de chaux et d’un gaz qu’il nomme oxygène, soit le gaz « engendrant de l’acide ». Il a ainsi mis en valeur que la combustion résulte de l’addition d’un combustible et d’oxygène, le comburant. Calciner la chaux revient à en ôter l’oxygène. En 1777, Lavoisier présente sa théorie antiphlogistique dans un mémoire sur la combustion en général.

LA FORMATION DE L’ACIDE PHOSPHORIQUE

Lavoisier va poursuivre ses expériences en 1777. Il reprend une expérience consistant à brûler un morceau de phosphore sur une coupelle flottant dans une cuve à eau, le tout sous cloche. La combustion du phosphore est calculée pour brûler l’ensemble de l’oxygène. Pendant la combustion se forment des fumées, qui se dissolvent dans l’eau, font monter son ni veau et la rendent acide (c’est l’acide phosphorique, mis en valeur dans ses expériences précédentes). A la fin de la combustion, le gaz contenu dans la cloche a réduit d’un cinquième, ce qui correspond à l’oxygène qui a été extrait par le phosphore. Cet air atmosphérique, montre Lavoisier, n’est plus comburant et ne permet plus la respiration des petits animaux. Il le nomme « mofette atmosphérique » et établit, preuves à l’appui, que l’air atmosphérique est composé de deux gaz : 80 % de mofette atmosphérique et 20 % d’oxygène. L’air que l’on tenait pour un des quatre éléments est donc en fait composé de deux éléments bien distincts!

COMBUSTION LENTE ET COMBUSTION RAPIDE

Grâce à la rigueur de ses méthodes, les expériences de Lavoisier étaient parfaitement reproductibles et ses résultats aisément vérifiables. Aussi ses théories essaimèrent-elles rapidement au sein de la communauté scientifique. Lavoisier ne s’intéressa pas qu’au rôle de l’oxygène dans les phénomènes de combustion rapide, il s’intéressa aussi aux phénomènes de combustion lente. Il montra que la respiration végétale et animale se ramenait à une combustion lente, consistant en une absorption d’oxygène et une émission de gaz carbonique, et établit également le rôle de l’oxygène dans la formation de la rouille. La remise en cause de la théorie du phlo- gistique, mais aussi de celle des quatre éléments fondamentaux (la terre, l’air, l’eau et le feu), constitua une révolution scientifique majeure. Elle permit de nombreux développements, notamment pour la chimie organique et l’étude des réactions d’oxydo-réduction, ainsi que de nombreuses applications industrielles dans les siècles suivants.

EN RÉSUMÉ

Grâce à ses méthodes de mesure rigoureuses, Antoine Laurent de Lavoisier (1743- 1794) put établir que la combustion d’un corps dans l’air résultait de l’oxydation, c’est-à-dire de sa combinaison avec l’oxygène de l’air, ce qui invalidait la doctrine du phlogistique. Il réalisa également le premier la décomposition de l’air, montrant qu’il ne s’agissait pas d’un élément, comme le pensaient les Anciens, mais d’un mélange de deux gaz, dont l’oxygène, représentant un cinquième de son volume et essentiel à la respiration.