Comprendre le fonctionnement d’un système au niveau microscopique est une chose, manipuler, élaborer ou structurer des matériaux à l’échelle nanométrique en est une autre. La nanophysique, et plus généralement les nanosciences, se sont fixé comme objectif d’aller travailler dans le nanomonde.

AU-DELÀ DU MICROSCOPIQUE

Les physiciens savent bien que l’on peut observer les phénomènes physiques tant au niveau macroscopique qu’à celui des atomes ou des molécules, c’est-à-dire au niveau microscopique. Certaines disciplines, comme la mécanique quantique, se focalisent dans une région tandis que d’autres tentent de faire le lien entre ces deux mondes, comme la physique statistique. Mais, grâce aux formidables progrès technologiques, nous pouvons aller aujourd’hui encore plus loin, c’est-à-dire descendre encore plus profond que le monde microscopique, pénétrer à l’intérieur de ce nanomonde. Les échelles de grandeur sont usuellement partagées en trois grandes catégories : les échelles macroscopiques, les échelles mésoscopiques et enfin les échelles microscopiques. Un nanomètre est égal à 10~9 m, c’est donc l’échelle des atomes.

TOP-DOWN OU BOTTOM-UP

La nanophysique est l’une des branches de ce que l’on appelle aujourd’hui les nanosciences. On y trouve également la nanobiologie, la nanochimie et les nanomatériaux et enfin les nanotechnologies. Dans tous ces domaines, deux approches sont possibles. L’approche qualifiée de top-down (du haut vers le bas) consiste à miniaturiser vers le nanoscopique en utilisant des moyens de réduction de la taille des dispositifs existants. L’autre approche, appelée bottom-up (du bas vers le haut), a pour objectif d’assembler (ou de faire s’auto-as- sembler) des motifs atomiques ou moléculaires afin d’élaborer des objets nanométriques. Un bon exemple pour comprendre l’approche bottom-up est la microélectronique. En 1947, un transistor élémentaire fabriqué dans du germanium mesurait un demi-centimètre alors qu’aujourd’hui on réalise industriellement des microprocesseurs dont les transistors ont une taille légèrement inférieure à 100 nm. Les chercheurs espèrent arriver bientôt à la dizaine de nanométres.

LES DOMAINES DE LA NANOPHYSIQUE

Au sein de la nanophysique, on peut distinguer plusieurs grands domaines de recherches. Tout d’abord, on trouve les travaux autour des ordinateurs quantiques et la manipulation de l’information quantique. Ensuite, de nombreux travaux portent sur le nanomagnétisme et l’électronique du spin. L’idée ici, en ce qui concerne le nanomagnétisme, est d’étudier les propriétés magnétiques à l’échelle atomique, les processus de renversement de l’aimantation et les appliquer à des techniques d’imagerie magnétique à très haute résolution. L’électronique du spin, quant à elle, a pour objet d’explorer le spin de l’électron afin de pouvoir stocker de l’information, notamment dans les semi-conducteurs. Enfin la nanophotonique (ou nano-optique) est l’étude des propriétés de la lumière à l’échelle nanométrique. On s’intéresse ici à la microscopie en champ proche, au contrôle de la croissance d’objets nanométriques, à la gravure à l’échelle du nanomètre ou bien à la manipulation d’atomes ou de molécules.

L’ORDINATEUR QUANTIQUE

L’ordinateur quantique et les machines quantiques font couler beaucoup d’encre depuis quelques dizaines d’années. Les promesses du calcul quantique sont à la hauteur des efforts des chercheurs pour en percer les secrets. Mais si les progrès dans ce domaine sont certes impressionnants, l’ordinateur quantique est encore loin d’être une réalité. Cette technologie se base sur une propriété étrange du monde quantique, l’intrication quantique. Dans un système de particules intriquées, les propriétés de l’une des particules agissent sur les autres, même si elles sont spatialement séparées. Cette propriété permet de penser de manière tout à fait nouvelle le transfert d’informations. Les chercheurs tentent donc de manipuler les états quantiques et d’implémenter des bits quantiques dans les circuits électroniques. Toutefois, un sérieux problème se pose, celui de la décohérence quantique, qui fait perdre les propriétés quantiques d’un système. Les chercheurs tentent donc de s’en affranchir.

LE MICROSCOPE À EFFET TUNNEL

Les nanosciences ont besoin, pour pouvoir manipuler le na- nomonde, d’outils et de technologies toujours plus performants. Elles s’appuient alors sur les nanotechnologies, chargées de développer ces nouveaux outils. L’une des grandes réussites dans ce domaine est la construction d’un microscope d’un nouveau genre, le microscope à effet tunnel et à force atomique inventé en 1982 par Gerd Binnig et Heinrich Rohrer. Ils ont reçu le prix Nobel en 1986 pour ce travail. Il permet de cartographier, atome par atome, la surface d’un matériau en mesurant le faible courant électrique établi par effet tunnel entre sa pointe ultrafine et la surface à étudier. En approchant la pointe, il est même possible de déplacer un atome. Ce microscope ne fournit pas à proprement parler des images, mais plutôt des topographies, c’est-à-dire des cartes du relief du matériau étudié. On pourrait également citer la nanolithographie électronique ou la nano-impression. La richesse du nanomonde semble sans limites.

EN RÉSUMÉ

Depuis longtemps maintenant, les scientifiques ont compris comment fonctionnait le monde microscopique, grâce notamment à l’émergence de la mécanique quantique. Mais l’idée de manipuler ce monde ou d’y fabriquer de nouveaux matériaux est bien plus récente. C’est l’objet des nanosciences, et notamment de la nanophysique. Basée sur deux approches (top-down et bottom- up), la nanophysique tente de fabriquer des ordinateurs quantiques, des nanotubes ou des nanofils (entre autres), à l’échelle nanométrique, c’est-à-dire à l’échelle des atomes.