La question de l’origine de l’Univers est aussi ancienne que la pensée humaine. Les avancées de l’astrophysique et de la cosmologie apportent des débuts de réponse et des pistes de recherche présentées par Steven Weinberg dans son formidable ouvrage Les Trois Premières Minutes de l’Univers. L’APRÈS BIG BANG
Que sait-on de l’origine de l’Univers? Que s’est-il passé au cours des toutes premières minutes ? Dans le modèle cosmologique standard, l’Univers est né il y a quelques milliards d’années en une gigantesque explosion, improprement surnommée le big bang. Constitué dans un premier temps d’un magma de très haute densité et de température extrême, l’Univers s’est refroidi en se dilatant et sa composition en matière et rayonnement s’est stabilisée par le jeu des réactions entre particules fondamentales. Les premières minutes ne dépendent que des lois élémentaires de la physique, et les avancées scientifiques du xxe siècle ont permis, en partie seulement, de les reconstituer. C’est l’histoire de ces tout premiers instants de l’Univers que s’est mis en tête de raconter le physicien américain Steven Weinberg en 1977, en publiant son ouvrage The First Three Minutes. Le livre sortira en France l’année suivante, sous le titre Les Trois Premières Minutes de l’Univers, aux éditions du Seuil.
LE RAYONNEMENT FOSSILE
Si l’Univers se trouve en expansion, il a dû passer par une phase dense et chaude dans sa prime jeunesse. La matière s’est alors assemblée de manière très serrée. L’histoire ultérieure se résumera à sa dilatation et à son lent refroidissement. Pourtant, dès 1948, le physicien d’origine russe George Gamow note une conséquence inéluctable de ce scénario du big bang. La naissance du cosmos se serait accompagnée de l’émission d’un intense rayonnement. Certes, aujourd’hui, ce brouhaha primordial se serait singulièrement atténué, essoufflé, affaibli. Mais le « rayonnement fossile » du cosmos, ou « premier cri de l’Univers », devrait encore persister. Ce rayonnement est le plus ancien qu’ait émis l’Univers, à une date estimée de 380000 ans après le big bang. On comprend aisément le rôle crucial que peut jouer ce rayonnement fossile, dans la mesure où il devrait apporter aux astrophysiciens et aux cosmo-logistes de très riches informations pour reconstituer les tout débuts de l’Univers.
LA PHYSIQUE DES PARTICULES
La prévision de ce premier cri de l’Univers reste, hélas, lettre morte. En 1965, deux jeunes radioastronomes du laboratoire de la Bell Telephone, Arno Penzias et Robert Wilson, ignorent ces travaux. Ils découvrent, par hasard, un fond diffus radioélectrique qui envahit toute la voûte céleste. Le signal ne varie ni au fil du jour ni au cours des saisons. Il est étranger au Soleil et à la Voie lactée. Penzias et Wilson viennent de démasquer le rayonnement fossile. Ils reçoivent le prix Nobel en 1978. C’est
l’envolée. On s’aperçoit que le bruit radio suit à la perfection la loi du corps noir, calculée au début du siècle par l’Allemand Max Planck. Le cosmos aurait libéré l’essentiel de son énergie dans son premier âge. C’est sur cette découverte que s’appuie ce livre de Weinberg, dont il relate l’histoire dans le moindre détail. Il en profite également pour faire le point sur la physique des particules, dont il est spécialiste, qui joue un rôle majeur dans les débuts de l’Univers.
LE PREMIER CENTIÈME
Weinberg commence par exposer les éléments principaux du modèle cosmologique standard, dont il avait reconnu dès la préface les limites, mais qui colle le mieux aux observations. On découvre donc l’expansion de F Univers et l’histoire du fond cosmique de rayonnement radio, puis la recette pour un Univers chaud, puisqu’on a mesuré à trois kelvins, soit moins deux cent soixante et onze degrés Celsius à nos thermomètres plus classiques, le fond cosmique, et enfin les trois premières minutes de l’Univers. Steven Weinberg commence le film à partir du premier centième, sur lequel il reviendra plus longtemps dans le dernier chapitre, quand l’Univers était constitué d’un magma composé de rayonnements et de particules massives très fugaces, le tout à une température extrême. Il l’achève sur la nucléosynthèse qui commence à trois minutes et quarante-six secondes après le big bang. Après cela, selon Weinberg, il ne se passe plus rien, puisque ce n’est qu’au bout de sept cent mille ans que se formeront les premiers atomes laissant apparaître la lumière.
UN MODÈLE TRÈS ABSTRAIT
D’une manière générale, la postérité des ouvrages de vulgarisation scientifique n’est pas évidente. Il faut les lire pour ce qu’ils sont, avec l’état des connaissances à un instant donné. Dans le cas présent, les connaissances sur l’origine de l’Univers et ses premières minutes ont naturellement évolué. Weinberg écrira d’ailleurs lui-même une postface lors de la nouvelle édition de son livre, dix ans après la première, afin d’actualiser ses idées. Mais au-delà de l’actualité de l’ouvrage, la question de l’accessibilité se pose ici. La difficulté théorique de l’exposé montre que Weinberg, même s’il renvoie en annexe les mathématiques très techniques, ne parvient pas à dissimuler l’abstraction formelle de la physique théorique derrière des mots. Les concepts mis en jeu et les théories de la physique contemporaine demandent un tel effort au lecteur, qu’on peut honnêtement s’interroger sur le pourcentage réel de lecteurs parmi les acheteurs. La compréhension du monde a un prix.