La théorie de l’homologie, née au début du xxe siècle, s’appuie sur la volonté d’introduire des concepts algébriques en topologie, à l’image d’un Descartes utilisant l’algèbre au sein de la géométrie. Cette théorie a ouvert une nouvelle branche très riche des mathématiques, la topologie algébrique.
NAISSANCE DE LA NOTION D’HOMOLOGIE
Au début du xxe siècle, un certain nombre de mathématiciens tentent d’introduire des concepts algébriques au sein de la topologie, à l’image de l’algébrisation de la géométrie par Descartes. L’algèbre est la partie des mathématiques qui étudie les structures algébriques, telles que les groupes, les modules ou les corps. En particulier, un groupe abélien est un groupe dont la loi de composition interne est commutative. La topologie, quant à elle, est l’étude des lieux. Elle s’intéresse donc aux notions de distance, de voisinage d’un point ou de continuité. Un ensemble quelconque muni d’une topologie (c’est-à-dire un ensemble d’ouverts vérifiant certaines propriétés) est un espace topologique. L’homologie est alors construite comme un formalisme mathématique associant des groupes abéliens, appelés groupes d’homologie, à un espace topologique. Elle fait partie d’une discipline plus vaste appelée topologie algébrique, qui vise à associer des invariants algébriques à un espace topologique.
DÉFINITION D’UN SIMPLEXE ET D’UN COMPLEXE
Le point de départ du développement de l’homologie est l’idée de remplacer, au sein de la topologie, l’utilisation de certains nombres (de Betti, de torsion, etc.) permettant de décrire les principaux objets d’étude (les polyèdres ou « complexes ») par les groupes d’homologie. Cette idée est généralement attribuée à la mathématicienne Emmy Noether qui effectua cette substitution dans les années 1920, même si on trouve ce procédé chez d’autres mathématiciens, et fut généralisée en introduisant d’autres concepts algébriques en topologie. L’homologie s’intéresse donc à décrire un « complexe », objet défini à partir des « simplexes ». Un k-simplexe est l’analogue k-dimensionnel d’une région tétraédrique. Par exemple, un 1-simplexe est un segment et un 3-simplexe est un tétraèdre plein. Un simplexe possède un bord constitué de l’ensemble de ses faces. On peut alors se représenter un « complexe » comme un agrégat de simplexes éventuellement soudés entre eux selon certaines de leurs faces.
CYCLES HOMOLOGUES
Les simplexes qui composent un complexe sont appelés les cellules du complexe. Une i-chaîne élémentaire d’un complexe est une expression symbolique de la forme ±V0V1…Vi où les V. désignent les sommets d’une i-cellule du complexe. On peut définir de manière similaire le bord de la i-chaîne. Enfin, une chaîne est dite fermée, on l’appelle un cycle, si son bord est nul. Intuitivement, cela traduit l’idée qu’un bord n’a pas de bord. La relation d’homologie se définit alors de la manière suivante : un cycle K est homologue à 0 s’il est le bord d’une chaîne du complexe et deux chaînes quelconques sont homologues si leur différence est homologue à 0. L’idée maintenant est de ne conserver que des ensembles de chaînes homologues. Pour ce faire, on effectue le quotient (au sens algébrique du terme) des cycles du complexe par l’ensemble des bords du complexe. Ce nouvel ensemble est alors formé des groupes d’homologie du complexe et s’appelle l’homologie du complexe que l’on cherche à étudier.
HOMOLOGIE SINGULIÈRE
La théorie de l’homologie introduite dans les paragraphes précédents s’appelle homologie simpliciale. Elle est historiquement la première construction d’une homologie. Elle consistait à considérer des blocs élémentaires (points, triangles, tétraèdres, etc.) à partir desquels on reconstruisait l’espace à étudier. On parle pour cette construction de triangulation de l’espace. Il est possible de généraliser l’homologie à tout espace topologique, même pour ceux où il n’existe pas de triangulation. On parle alors d’homologie singulière. Elle se définit en considérant non plus des triangles mais des applications partant de triangles standards à valeurs dans l’espace topologique. Le calcul des groupes d’homologie dans le cas de l’homologie singulière (hormis le cas où on peut se ramener à l’homologie simpliciale, cas où l’espace est triangulable) est particulièrement difficile et fait appel à des outils et techniques sophistiqués, comme l’homotopie. C’est l’objet de la topologie algébrique.
DES HOMOLOGIES MULTIPLES
Une notion connexe à celle d’homologie est celle de cohomologie. Elle se construit de manière similaire à partir de cochaînes, de cobords et de cocycles. Les deux notions sont intimement liées. Par exemple, lorsque Poincaré, en 1895, définit la notion de cycles homologues, il ne parle pas de cohomologie. La raison en est que, sur les espaces qu’il considère, on peut ramener l’étude de la cohomologie (grâce à la dualité de Poincaré) à l’étude de l’homologie. Le passage de l’homologie à la cohomologie, utile car cette dernière permet plus de choses, sur d’autres espaces est donc une tentative de généraliser la dualité de Poincaré. Suivant les différents espaces que l’on étudie, de nombreuses cohomologies ont été construites. On peut citer la cohomologie de De Rham pour les variétés différentiables, la cohomologie de Cech pour une variété topologique quelconque ou encore l’homologie de Hochschild pour un espace vectoriel gradué. Mais naturellement, il en reste encore beaucoup à étudier.
EN RÉSUMÉ
L’idée fondamentale de la théorie de l’homologie est la volonté d’introduire des concepts algébriques au sein de la topologie. On définit un simplexe comme l’analogue en plusieurs dimensions d’une région tétraédrique, puis ses faces (notion de bord) et enfin les « complexes » comme agrégat de simplexes. L’homologie de ce complexe sera alors l’ensemble de ses groupes d’homologie, contenant des cycles homologues. Le nombre immense de types d’espaces différents sur lesquels on peut définir une homologie confirme la richesse de cette théorie.