La théorie des modèles fait partie de la logique mathématique. Elle a pour objectif la construction des modèles de théorie dans lesquels toutes les formules de la théorie sont satisfaites. Elle s’intéresse donc à la partie sémantique de la logique dont les origines remontent au logicien Tarski.

SYNTAXIQUE ET SÉMANTIQUE

La théorie des modèles est une branche encore mal connue de la logique mathématique. Si elle trouve de nombreuses applications dans les mathématiques, elle est également très pertinente en linguistique ou en philosophie. En effet, la théorie des modèles s’intéresse à la sémantique. Il existe, classiquement, au sein de la logique mathématique, deux points de vue : sémantique et syntaxique. La logique syntaxique s’intéresse à la forme, c’est une théorie formelle qui expose les règles qui la gouvernent et le développe¬ ment des conséquences qui résultent de ces règles. Elle ne s’intéresse pas à la signification des symboles ou au sens des énoncés. Cette partie, celle de l’interprétation, est l’objet de la sémantique. La sémantique d’une logique associe une signification à ses formules et explique les conditions qui rendent les formules vraies ou fausses. Si le point de vue syntaxique relève de la théorie de la démonstration, le point de vue sémantique est lui l’objet de la théorie des modèles.

LES DIFFÉRENTS NIVEAUX DE FORMALISATION

On peut distinguer, en logique, trois niveaux de formalisation d’une théorie. Les théories intuitives, basées uniquement sur l’intuition du mathématicien, constituent le premier niveau. C’est, par exemple, la théorie cantorienne des ensembles. Ensuite, nous trouvons la théorie axiomatique, pour laquelle le mathématicien se réfère à des axiomes. Pour la théorie des ensembles, ce sera l’étape de l’axiomatisation par Zermelo et Fraenkel, aboutissant à ce que l’on appelle la théorie « naïve >> des ensembles. Enfin, le troisième niveau est la théorie axiomatique formelle. Pour cette dernière, il est nécessaire de définir non plus seulement les axiomes non logiques (mathé matiques) mais aussi les règles d’inférence (qui permettent d’effectuer les déductions logiques) considérées comme les axiomes logiques. Ce sera dans notre exemple la théorie des ensembles de Zermelo-Frenkel exprimée dans le premier ordre. On notera que cette dernière permet de construire 99% des mathématiques usuelles.

DÉFINITION D’UN MODÈLE

Afin de comprendre ce qu’est un modèle, il faut d’abord rappeler ce que l’on appelle un langage et une théorie. On se placera ici dans une logique de premier ordre, dans laquelle on ne peut quantifier que sur les variables sans spécifier l’ensemble sur lequel on les quantifie. Un langage est un ensemble de symboles, pouvant être de trois types : les constantes, les fonctions et les relations (/.e. les prédicats). À partir d’un langage, on construit les formules de premier ordre par récurrence en combinant, suivant les règles syntaxiques fixées, les symboles du langage et quelques autres symboles indépendants, tels que les connecteurs ou les quantificateurs. On appelle alors théorie du premier ordre tout ensemble de formules du premier ordre dans un langage donné. Il faut enfin se doter d’une structure du langage pour expliciter la notion de satisfaction d’une formule. On dira alors qu’une structure est un modèle de la théorie si toute formule de la théorie est satisfaite dans la structure.

LES MODÈLES DE LA THÉORIE DES GROUPES

Considérons l’exemple de la théorie des groupes. Le langage avec lequel nous travaillons est l’ensemble contenant trois éléments : un symbole de constante (zéro), un symbole de fonction binaire (l’addition) et un symbole de fonction unaire (l’opposé), que l’on note L = {0, +, -}. N’importe quel ensemble non vide muni d’une fonction binaire et d’une fonction unaire est une structure de ce langage. La théorie des groupes est définie par un ensemble de trois formules (en notant A le quantificateur universel) : l’associativité Ax, Ay, Az, (x + y) + z = x + (y + z), l’existence d’un élément neutre Ax, 0+x = x + 0 = xet celle d’un opposé Ax, x + (-x) = 0. On comprend aisément qu’un groupe est une structure du langage qui vérifie ces trois axiomes et, qu’inversement, une structure du langage qui les satisfait est un groupe. Si bien que les groupes (au sens mathématique) sont exactement les modèles de la théorie des groupes, dans la mesure où toutes les formules de la théorie des groupes y sont satisfaites.

THÉORÈMES DE COMPLÉTUDE ET DE COMPACITÉ

Il existe de très nombreux résultats en théorie des modèles afin de savoir si une théorie possède un modèle, mais deux théorèmes sont absolument fondamentaux. Tout d’abord, le théorème de complétude. On note « faux » la formule « Ex, non (x = x) » où E est le quantificateur existentiel. Le théorème de complétude affirme qu’une théorie a un modèle si et seulement si « faux » n’est pas conséquence de la théorie. On dira qu’une théorie est consistante si on ne peut en déduire « faux », et contradictoire sinon. De plus, une théorie est dite satisfaisable si elle a un modèle. Le théorème de complétude permet de voir que les notions de consistance et de satisfaisabilité coïncident (au premier ordre). Une conséquence du théorème de complétude est le théorème de compacité, très utilisé car il permet de construire explicitement des modèles. Il énonce qu’une théorie est satisfaisable si et seulement si elle est finiment satisfaisable, c’est-à-dire si toute partie finie de la théorie a un modèle.

EN RÉSUMÉ

La théorie des modèles, qui trouve son origine dans les travaux du logicien Tarski, s’intéresse à la partie sémantique de la logique (l’autre étant la syntaxe). Au sein de la logique de premier ordre, on se donne un langage, des formules, puis une structure de ce langage permettant de définir la notion de satisfaction. Une structure est alors un modèle de la théorie si toute formule de la théorie est satisfaite dans la structure.
Deux résultats fondamentaux de la théorie des modèles sont les théorèmes
de complétude et de compacité.