À l’Univers statique de Newton s’est substitué l’Univers dynamique et en expansion de la théorie du Big Bang. Basé sur de solides preuves observationnelles de différents types, le modèle décrit de façon cohérente l’histoire de l’Univers, mais sans pouvoir encore répondre à toutes les questions.

UNE DILATATION RAPIDE

Curieusement, c’est à l’un de ses plus fervents détracteurs que la théorie du Big Bang doit son nom. L’astronome britannique Fred Hoyle (1915-2001) utilisa en effet cette expression lors d’une émission de radio, en 1950, pour dénigrer ce qui constitue le modèle cosmologique aujourd’hui couramment utilisé pour décrire l’évolution de l’Univers à partir d’un état primordial condensé incroyablement chaud et dense, il y a 13,8 milliards d’années. Le terme est toutefois trompeur : il ne désigne pas une explosion, mais une dilatation initiale extrêmement rapide de l’Univers, et ne décrit pas l’origine de l’Univers, mais les étapes de son histoire. La découverte de la relativité générale en 1915 marque le début de la cosmologie moderne, mais Einstein pensait que l’Univers était statique. C’est au chanoine catholique belge Georges Lemaître (1894- 1966) que l’on attribue le plus souvent la paternité de l’idée d’une expansion primordiale de l’Univers, décrite en 1927.

LA LOI DE HUBBLE

Le modèle du Big Bang repose sur différents piliers théoriques et observationnels bien établis. Le paradoxe d’Olbers suffit à démontrer que l’Univers n’est pas statique : si c’était le cas, le ciel nocturne ne serait pas noir, mais peuplé d’une infinité d’étoiles! Mais c’est l’observation de l’expansion de l’Uni vers par l’astronome américain Edwin Hubble (1889-1953), en 1929, qui a apporté une première preuve décisive. Observant un décalage vers le rouge du spectre des galaxies, Hubble a montré qu’elles s’éloignent de la Voie lactée. Elles le font à une vitesse approximativement proportionnelle à leur dis tance (une galaxie dix fois plus lointaine s’éloigne dix fois plus vite – c’est la loi de Hubble), et ce, dans toutes les directions. En réalité, ce ne sont pas les galaxies qui bougent, mais l’Uni vers qui se dilate comme un ballon que l’on gonfle, donnant ainsi l’impression que les galaxies se sont éloignées de leur point d’origine commun jusqu’à leur position actuelle.

MICRO-ONDES ET NUCLEOSYNTHESE

Deux autres preuves observationnelles décisives ont permis d’asseoir le modèle du Big Bang. La première est la détection du fond diffus cosmologique qui baigne l’Univers tout entier. Ce rayonnement, détectable dans le domaine micro-ondes, est le vestige de l’époque chaude de son histoire, lorsqu’il était à peine âgé de 380 000 ans. La découverte fortuite de cette lumière fossile, en 1965, venait confirmer une idée émise dans les années 1940 par George Gamow (1904-1968), selon laquelle la lumière à l’origine chaude et énergétique de l’Univers primordial nous parvenait encore, mais considérablement refroidie (- 270°C). Lancé en 1989, le satellite COBE a définitivement validé l’existence du rayonnement fossile. La deuxième preuve vient de l’étude de l’abondance des éléments légers (hydrogène, hélium, lithium) dans certains astres, comme les quasars, qui conforte l’idée d’une nucléosynthèse de certains éléments pendant la phase dense et chaude du jeune Univers.

INFLATION, EXPANSION ET DENSITÉ

Les tout premiers instants de l’Univers sont inaccessibles à l’observation; toutes les forces sont alors unifiées, ce que même les théories modernes peinent à formaliser. Suit une brève et intense phase d’inflation, puis une phase d’expansion plus calme. L’Univers est encore si chaud qu’il est opaque à sa propre lumière. En dessous d’un milliard de degrés, les nucléons peuvent se combiner pour former des noyaux atomiques d’hydrogène, d’hélium et de lithium. C’est la nucléosynthèse primordiale : elle correspond seulement aux trois premières minutes de l’Univers! La température baisse encore, les électrons peuvent se joindre aux noyaux et former des atomes. Le Cosmos devient alors transparent. À 380 000 ans, l’Univers est encore mille fois plus chaud et un milliard de fois plus dense qu’aujourd’hui. Les étoiles et les galaxies vont se former petit à petit grâce à la gravitation. Les éléments plus lourds, qui permettent l’apparition de la vie, pourront alors s’y développer.

MATIÈRE NOIRE ET ÉNERGIE NOIRE

Le modèle du Big Bang, associé aux découvertes de la physique des particules, permet de retracer l’histoire de l’Univers de façon cohérente. Il affronte tout de même deux difficultés majeures. La première est celle de la matière noire : l’essentiel de la matière de l’Univers prédite par le modèle reste en effet inconnu. La seconde difficulté est celle de l’énergie noire : au lieu de décélérer, comme cela devrait être le cas si la gravitation agit comme un frein, on a découvert en 1998 que l’expansion de l’Univers est au contraire en train d’accélérer! En plus de ces problèmes cosmologiques majeurs étudiés par de nombreux chercheurs, la théorie du Big Bang elle-même comporte des limites : en particulier, elle ne permet pas de saisir l’origine de l’Univers ou d’imaginer l’avant Big Bang. Il faut pour cela échafauder d’autres théories associant la physique quantique de l’infiniment petit et la relativité générale, telles que la gravitation quantique à boucles ou la théorie des cordes.

EN RÉSUMÉ

À partir d’un état formidablement dense et chaud, il y a 13,8 milliards d’années, l’Univers a connu une inflation brusque puis une expansion continue, jusqu’à son apparence actuelle. Le modèle cosmologique qui relate ce processus historique, le Big Bang, s’est forgé au long du xxe siècle, finissant par convaincre la plupart des scientifiques à mesure que les preuves observationnelles se sont accumulées. Il est toutefois loin de régler toutes les questions qui se posent sur les mystères de l’origine et de la nature de l’Univers.