L’humour, dans le domaine de la vulgarisation scientifique, est une chose rare. George Gamow, scientifique de renom aux géniales intuitions, est sans doute l’archétype de cette manière originale et peu fréquente de diffuser le savoir. L’extravagance au service de la science, merci m/sferGamow.
UN DRÔLE DE VULGARISATEUR
Scientifique aux intuitions géniales, George Gamow fut surtout l’un des plus fantastiques vulgarisateurs que le xxe siècle ait connus. En 1947, il public One Two Three… Infinity, ouvrage de vulgarisation illustré par lui-même, expliquant les bases de la science pour comprendre aussi bien les concepts d’entropie de gènes, de nébuleuse ou de quatrième dimension, mais aussi, par exemple, pour appréhender l’origine de l’énergie dans l’Univers. Les livres de vulgarisation de Gamow ont tous rencontré un grand succès. Cela s’explique essentiellement par deux raisons. D’une part, ses ouvrages sont toujours très accessibles, le niveau est volontairement basique, meme si les sujets abordés peuvent être complexes. Ses livres sont encore aujourd’hui conseillés pour les adolescents. D’autre part, ce qui est plutôt rare dans le monde de la vulgarisation scientifique, Gamow est drôle. Loufoque, facétieux, blagueur, Gamow reste le modèle d’une forme de vulgarisation sérieusement humoristique.
UN DRÔLE DE SCIENTIFIQUE
Physicien et astrophysicien américain d’origine russe, né à Odessa en 1904 et mort à Boulder, dans le Colorado, en 1968, George Gamow est à la fois un grand scientifique et un formidable vulgarisateur. Il fut le premier, en 1928, à appliquer la théorie quantique au noyau atomique, expliquant ainsi la radioactivité alpha. On a donné son nom à la barrière de potentiel défendant l’accès au noyau d’un atome. Auteur de divers autres travaux de physique nucléaire, il a notamment étudié la nucléosynthèse stellaire. En cosmologie, il a publié, en 1948, avec Ralph Alpher et H. A. Bethe, les premiers rudiments de ce qui allait constituer la théorie du Big Bang, prédisant l’existence d’un rayonnement thermique cosmique en ondes radio, vestige de l’« explosion » qui aurait engendré l’Univers actuel. En biologie, il fut le premier à postuler l’existence d’un code génétique, confirmée en 1961 par F. H. C. Crick et S. Brenner. Bref, Gamow, s’il ne manquait pas d’humour, a été un grand scientifique.
LES GRANDES AVANCÉES SCIENTIFIQUES
Un, deux, trois… l’infini est un livre de vulgarisation sur la science en général, s’étalant sur quelque trois cent cinquante pages. Son découpage en est la parfaite illustration. 11 débute par une partie sur les nombres, traitant ici aussi bien les grands nombres que les nombres naturels et artificiels, par exemple imaginaires. Ensuite, il tente de faire comprendre la révolution einsteinienne, la nouvelle vision insolite en quatre dimensions de l’espace et du temps et la notion parfois obscure de relativité. Puis, deux grandes parties traitent respectivement du microcosme, en descendant l’échelle des dimensions pour découvrir le monde des atomes, la notion d’entropie et comprendre l’énigme de la vie, et du macrocosme, et en remontant cette échelle des dimensions afin de comprendre ce que signifie l’expansion de l’Univers, ainsi que son origine, le big bang. Ainsi, dans un style simple, précis et souvent décalé, Gamow donne accès au plus grand nombre à toutes les grandes avancées scientifiques.
ILLUSTRATIONS DE L’AUTEUR
La dernière édition française de Un, deux, trois… l’infini, sortie en 2013 chez Cassini, puis rééditée en 2018. est une réédition de l’ouvrage traduit par Dunod en 1956. La traduction a été légèrement révisée, et un chapitre de l’édition originale anglaise qui n’avait pas été repris, mais qui figurait dans un autre livre publié par Dunod à la même époque, a été rétabli. La présentation de l’époque n’a pas vieilli : « Véritable promenade à travers notre Univers, cet ouvrage du célèbre physicien Gamow fournit toutes les bases pour comprendre les merveilles de la science moderne. Entropie et gènes y ont un rôle, aussi bien qu’atomes et nébuleuses. Divers problèmes fascinants sont aussi abordés : nature de la courbure de l’Univers, quatrième dimension, théorie des nombres, topologie, origine de l’énergie dans l’Univers ». L’ouvrage est illustré de cent vingt-huit dessins de l’auteur. Enfin, un appendice signale les points qui doivent être rectifiés, la science ayant fait des progrès entre 1956 et 2013.
M. TOMPKINS
En France, George Gamow est surtout connu comme ayant été un très grand vulgarisateur de la physique du xxe siècle. Il doit principalement cette notoriété aux loufoques Aventures de M. Tompkins, qu’il commença à rédiger avant la seconde guerre mondiale. Parue entre 1939 et 1969, cette série d’ouvrages de vulgarisation scientifique raconte les aventures d’un employé d’une grande banque, qui assiste à des conférences prononcées par un professeur de physique. Lors de ses rêves, il se trouve ensuite transporté dans des mondes étranges. Les constantes fondamentales de la physique y sont modifiées de sorte que les effets habituellement cachés dans la vie courante deviennent manifestes. Par exemple, la vitesse de la lumière y est beaucoup plus faible que sa vraie valeur. L’intérêt de Un, deux, trois… l’infini, écrit au beau milieu des Aventures de M. Tompkins, est qu’il regroupe l’ensemble des connaissances scientifiques en un seul volume, sans que Gamow se départisse de son style décalé.