Observé pour la première fois par Robert Brown en 1827, le mouvement brownien deviendra un objet mathématique à part entière au début du XXe siècle. » Ses nombreuses propriétés mathématiques et sa mise en évidence dans divers phénomènes physiques en feront un objet central de la théorie des probabilités.
LE BOTANISTE ROBERT BROWN
En 1827, le botaniste écossais Robert Brown observe au microscope le mouvement rapide et irrégulier des petites particules de pollen en suspension dans de l’eau. Avant son travail, ce type d’observations avait déjà été fait mais l’explication du phénomène résidait dans la différence de température entre le milieu ambiant et l’eau qui provoquait l’évaporation de l’eau. Les courants d’air constituaient une autre explication. Ou encore le fait que les particules étaient vivantes. Brown ne modélise pas ce que nous appelons aujourd’hui le mouvement brownien, mais affirme que les explications fournies jusqu’alors étaient fausses. Il expliqua que les particules constituant la matière, qu’il nomme molécules actives, sont bien inanimées même si elles montrent un mouvement rapide et irrégulier. Il affirme de plus que ce mouvement provient des particules elles-mêmes. Il faudra ensuite attendre presque cent ans pour qu’une explication à ce mouvement soit énoncée, à savoir le mouvement brownien.
UNE MEILLEURE COMPRÉHENSION
Robert Brown, dont les conclusions se révéleront erronées, a cependant ouvert la voie à l’étude théorique de ce mouvement étrange des particules. En 1877, soit un demi-siècle plus tard, les physiciens Joseph Delsaux et Ignace Carbonnelle avancent l’hypothèse selon laquelle ce mouvement aléatoire serait lié à l’agitation thermique des molécules constituant le fluide environnant. Cette explication voit son origine dans les principes de la thermodynamique énoncés dans les années 1 920 et dans la naissante théorie de la cinétique des gaz formalisée par Maxwell et Boltzmann. Ainsi, utilisant la vision moléculaire de la matière et l’idée selon laquelle la chaleur ne serait que l’énergie mécanique des molécules en mouvement aléatoire, les deux physiciens comprirent que le mouvement des particules de pollen était dû au bombardement incessant qu’ils subissent de la part des nombreuses molécules du fluide environnant, soumis à l’agitation thermique. La modélisation mathématique reste encore à faire.
LE MOUVEMENT BROWNIEN
statut d’observation étrange d’un botaniste à celui de phénomène physique important, sur lesquels de nombreux scientifiques vont se pencher avec attention. Il est alors caractérisé, au début du xxe siècle, par les éléments suivants : le mouve¬ ment est très irrégulier, il est composé de translations et de rotations, il est d’autant plus actif que les particules sont petites, la composition et la densité de ces particules n’ont pas d’influence, le mouvement est plus actif si le fluide n’est pas trop visqueux et pour des températures élevées. Enfin, le mouvement semble sans fin. C’est finalement en 1905 qu’Einstein fournira la première formalisation théorique du mouve¬ ment brownien en utilisant des arguments de thermodynamique et des considérations de théorie cinétique basées sur le concept de marche aléatoire. Indépendamment et à la même époque, le physicien Marian von Smoluchowski publiera une autre étude théorique de ce mouvement.
MARCHE ALÉATOIRE
Pour comprendre ce qu’est une marche aléatoire, considérons le cas simple du mouvement d’une particule sur un axe. À chaque instant, elle effectue un petit déplacement aléatoire causé par exemple par le choc avec une autre particule. Elle avance ou recule avec la même probabilité d’une distance donnée, une unité. Sa position à un instant donné ne dépend donc que de sa position à l’instant précédent et du fait qu’elle ait soit avancé, soit reculé, ceci avec la même probabilité de se produire. Finalement, la position à un instant donné est la somme des déplacements aléatoires précédents et est donc une variable aléatoire. Cette notion de marche aléatoire s’étend naturellement à l’espace à trois dimensions (et même à n dimensions). Dans son étude théorique, le physicien Marian von Smoluchowski montre qu’un mouvement brownien peut se définir comme la limite de marches aléatoires. De son côté, Einstein reliera ce mouvement aux équations aux dérivées partielles de type parabolique.
UNE DEFINITION RIGOUREUSE
La définition mathématiquement rigoureuse du mouvement brownien sera formalisée parle mathématicien Norbert Wiener en 1923. Il construit pour cela une mesure de probabilité sur l’espace des fonctions continues possédant trois propriétés caractéristiques : l’indépendance de certaines variables, une distribution particulière et une propriété de continuité. Il démontre ainsi mathématiquement l’existence du mouvement brownien. Dix ans plus tard, le mathématicien Paul Lévy démontrera que le mouvement brownien est un cas particulier de martingale continue, fournissant ainsi une définition abstraite de ce mouvement. Il poursuivra son étude en s’intéressant aux propriétés des trajectoires apparaissant lors de ce mouvement. Depuis cette date, des études extrêmement fines du mouvement brownien ont vu le jour (notamment celles d’Itô) et son rôle essentiel dans de nombreux phénomènes, aussi bien en physique qu’en biologie ou en finance, en a fait un outil indispensable dans le monde scientifique.
EN RÉSUMÉ
L’histoire du mouvement brownien remonte à 1827 avec l’observation du mouvement irrégulier des particules de pollen en suspension dans l’eau. Il faudra attendre le début du xxe siècle pour que le mouvement brownien soit bien compris, notamment grâce aux travaux d’Einstein en 1905. C’est finalement le mathématicien Norbert Wiener qui en donne la première définition mathématique rigoureuse en 1923. Depuis, des études de plus en plus fines ont vu le jour et le mouvement brownien est devenu un outil central de la théorie des probabilités.