Le spectre du rayonnement des corps noirs et la loi de Planck

C’est en cherchant une loi du rayonnement des corps noirs compatible avec les résultats expérimentaux que Max Planck fut conduit, en 1900, à énoncer la loi de Planck, stipulant l’existence de quanta d’énergie. Cette rupture théorique est à la base du développement de la physique quantique.

COULEUR ET TEMPÉRATURE DES CORPS

Lorsque des corps sont chauffés, ils émettent un rayonnement dont la couleur varie à mesure que la température croît. Pour décrire ce spectre chromatique, les physiciens utilisent la courbe du rayonnement du corps noir. Ce corps noir est un objet idéal, un modèle, qui absorbe toute l’énergie qu’il reçoit, quelle que soit la longueur d’onde (ce qui le fait apparaître noir), sans en réfléchir ni en transmettre. Son spectre électromagnétique dépend donc uniquement de la température. Pour étudier expérimentalement le rayonnement du corps noir, on considère que l’objet réel le plus proche est un four maintenu à température constante. L’une des faces de ce four est percée d’un trou minuscule, ce qui laisse échapper une fraction du rayonnement produit à l’intérieur, rayonnement dont le spectre varie donc uniquement selon la température. Grâce à ce type d’objet, les physiciens ont pu chercher à comprendre quelles étaient les lois d’émission électromagnétique en fonction de la température.

L’IMPORTANCE DES LONGUEURS D’ONDE

À la fin du xixe siècle, le physicien John William Strutt (1842- 1919), plus connu en tant que Lord Rayleigh, et le mathématicien James Jeans (1977-1946) purent établir une loi sur les échanges d’énergie à l’intérieur du corps noir : la loi de Rayleigh-Jeans. Leur théorie prévoyait que le rayonnement émis par un corps chauffé était proportionnel à la température absolue et inversement proportionnel au carré de la longueur d’onde de la couleur réfléchie. Malheureusement, les mesures expérimentales mettaient en échec la théorie : elle n’était vraie que pour les grandes longueurs d’onde. Cette erreur fut appelée la « catastrophe ultraviolette », car le rayonnement du corps noir prenait une valeur infinie aberrante à cette longueur d’onde. Trouver une nouvelle théorie du rayonnement du corps noir, en accord avec les expériences, était un défi lancé aux physiciens. L’Allemand Max Planck (1858-1947) se pencha sur la question et y apporta une réponse qui allait révolutionner la physique…

PAQUETS, QUANTUM ET FRÉQUENCE

Selon la loi de Rayleigh-Jeans, les échanges d’énergie au sein du corps noir s’effectuent de manière continue. Max Planck révisa profondément cette théorie en procédant empiriquement. Il chercha une formulation analytique de la courbe expérimentale du rayonnement du corps noir, puis, seulement, une explication théorique satisfaisante. La seule qu’il put trouver était que les échanges d’énergie n’étaient pas continus, ainsi que le voulait la théorie classique, mais quantifiés. Pour un rayonnement d’une fréquence donnée, l’énergie ne pouvait qu’être échangée par paquets d’une quantité minimale d’énergie baptisée « quantum ». Ces quanta étaient proportionnels à la fréquence, selon un coefficient correspondant à une nouvelle constante universelle, la constante de Planck. La loi de Planck, qu’il exposa en 1900, permettait enfin d’expliquer le rayonnement thermique du corps noir à toutes les longueurs d’onde. Cette hypothèse audacieuse allait bouleverser durablement la physique théorique.

L’INTRODUCTION DE LA DISCONTINUITÉ

Le changement conceptuel était radical. Alors que la physique classique considérait que les modifications d’état de la matière (un corps que l’on chauffe, une vitesse qui augmente, etc.) se faisaient de manière progressive (continue), Planck affirmait que ces modifications ne pouvaient pas prendre n’importe quelle valeur : il existait une quantité infiniment petite en dessous de laquelle on ne pouvait pas descendre, le quantum. Initialement, Planck rejetait la théorie atomique et croyait en l’hypothèse de la matière continue. Lui-même fut donc déstabilisé par sa propre théorie et annonça qu’elle avait été un « acte de désespoir », commis parce qu’il fallait bien trouver une interprétation théorique valide. Il chercha à débarrasser la théorie de l’hypothèse des quanta, mais fut finalement forcé d’admettre que toute modification se fait par saut. La théorie des quanta était née. Elle introduisait la discontinuité et provoqua l’émergence d’une nouvelle physique, dite quantique.

NAISSANCE DE LA PHYSIQUE QUANTIQUE

Planck participera peu à l’approfondissement de la théorie des quanta, hésitant à tirer toutes les conséquences de la rupture induite par ses hypothèses. Ce fut Albert Einstein (1879-1955) qui le premier appliqua l’hypothèse des quanta pour interpréter l’effet photoélectrique. Lorsqu’un matériau, généralement métallique, est exposé à la lumière ou à un rayonnement électromagnétique de fréquence suffisamment élevée, il émet des électrons. Ce phénomène, présenté par l’Allemand Hertz en 1887, restait incompris. Reprenant la définition mathématique des quanta de Planck, Einstein eut l’idée que les « grains de lumière » (les photons) pouvaient eux- mêmes être porteurs d’un quantum d’énergie. Les électrons pouvaient absorber cette énergie et, pour le cas où elle était supérieure à un certain seuil, sortir du métal, provoquant l’effet photoélectrique. La théorie des quanta fut ensuite pleinement intégrée à la physique dans les années 1920, lors de l’avènement de la mécanique quantique.

EN RÉSUMÉ

Les théories de la physique classique n’expliquaient que partiellement le spectre du rayonnement électromagnétique d’un corps noir. En 1900, le physicien allemand Max Planck (1858-1947) énonça une loi de rayonnement, la loi de Planck, en plein accord avec les mesures expérimentales, mais qui introduisait une hypothèse révolutionnaire : l’énergie ne s’échangeait pas de manière continue. Il existait une quantité minimale d’énergie baptisée quantum. Cette théorie des quanta signa l’acte de naissance d’une nouvelle physique, la physique quantique.

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