Nées sous la plume de Diophante d’Alexandrie, les équations diophantiennes sont des équations à coefficients entiers dont les solutions doivent être entières. La résolution de ces équations a amené les mathématiciens à développer des outils puissants, voire de nouvelles branches des mathématiques.

DES ÉQUATIONS ENTIÈRES

Les équations diophantiennes sont apparues au siècle après J.-C., dans un ouvrage du mathématicien grec Diophante d’Alexandrie intitulé Arithmétiques. Ce cernier y étudie les équations entières, c’est-à-dire les équations dont les solutions et les coefficients sont dans l’ensemble des entiers relatifs. Certains auteurs acceptent les solutions rationnelles (de la forme p/q avec pentier et q entier non nul) pour les équations diophan tiennes. Ainsi, l’équation de Pythagore x2 + y2 = z2, l’équation de Fermat de degré 4×4 + 4 = A ou l’équation de Pell x2 – dy= m (où d est un entier non carré et m un entier) sont des équations diophantiennes. Face à une équation diophantienne, on peut soit prouver l’existence de solutions, soit décrire explicitement l’ensemble des solutions. Dans les deux cas, le problème de la résolution de ces équations est la plupart du temps particulière ment difficile, mais il a permis de faire naître de très importants développements des mathématiques.

LE DERNIER THÉORÈME DE FERMAT

L’équation diophantienne x2 + y2 = z2 est connue sous le nom d’équation de Pythagore. Les solutions de cette équation sont appelées triplets pythagoriciens, car ils sont les trois côtés d’un triangle rectangle. Par exemple, le triplet (3 ; 4 ; 5) est un triplet pythagoricien. En généralisant cette équation, on obtient l’équation du dernier théorème de Fermât, xn + y = z ». Au début du xvne siècle, Fermât a conjecturé que, lorsque n = 3, l’équation précédente n’admettait pas de solution entière non triviale, c’est-à-dire autre que celles pour lesquelles l’un des entiers x, y, z est nul. Si le cas n = 2 a été résolu par Pythagore, c’est Fermât lui-même qui résoudra cette équation pour les cas n = 3 et n = 4 en utilisant la méthode des descentes infinies. Il faudra ensuite attendre le xixe siècle et les travaux de Kummer sur la théorie algébrique des nombres pour que cette équation soit résolue dans un cadre plus général, mais pas encore pour tout n. Ce sera finalement A. Wiles qui le fera en 1995.

LE DIXIÈME PROBLÈME DE HILBERT

En 1900, lors du deuxième congrès international des mathématiciens, David Hilbert énonce une liste de 23 problèmes qui, selon lui, devront guider la recherche mathématique au cours du siècle qui s’ouvre. Le dixième problème concerne les équations diophantiennes, montrant ainsi l’importance de cette question au sein des mathématiques. La question que pose Hilbert est la suivante : existe-t-il un algorithme universel permettant de conclure à l’existence de solutions d’une équation diophantienne? Dans la terminologie moderne, cette question est ce que l’on appelle un problème de décision, c’est-à-dire un problème qui se décompose en une infinité de problèmes particuliers qui demandent une réponse par oui ou par non. Le cœur du problème de décision est la recherche d’une méthode unique capable de fournir une réponse à tous ces problèmes particuliers. Ce n’est qu’en 1970 que le mathématicien russe Matiiassévitch fournira une réponse générale à ce problème de décision, une réponse négative.

LE PROBLÈME DES NOMBRES CONGRUENTS

S’il n’existe pas d’algorithme universel permettant de conclure à l’existence de solutions d’une équation diophantienne, il est possible d’en chercher un pour une classe particulière d’équations. C’est le cas par exemple pour les nombres congruents. Un entier est dit congruent s’il est l’aire d’un triangle rectangle de côtés de longueur rationnelle. Par exemple, 6 est congruent car c’est l’aire d’un triangle rectangle de côtés 3, 4 et 5. Chercher à savoir si un entier donné est congruent revient en fait à résoudre un système bien précis d’équations diophantiennes. Si ce problème reste encore aujourd’hui un problème ouvert, c’est-à-dire sans réponse prouvée, l’application de la théorie des courbes elliptiques a permis de fournir une réponse conjecturale. En effet, J. Tunnel est parvenu à reformuler la condition pour un entier d’être congruent en un critère élémentaire, en utilisant une conjecture sur les courbes elliptiques. Le résultat de Tunnel demeure donc une conjecture lui aussi.

L’ARITHMÉTIQUE MODULAIRE

Résoudre des équations diophantiennes est un problème extrêmement difficile et de très nombreuses méthodes ont été mises en place afin d’y arriver. L’arithmétique, la science mathématique qui a pour objet de comprendre les propriétés cachées des nombres, est le chemin qui semble le plus naturel. Malheureusement, les outils de l’arithmétique élémentaire ne sont pas assez puissants pour résoudre des équations diophantiennes non triviales. Au début du XVIIIe siècle, Carl Friedrich Gauss pose les bases d’une nouvelle arithmétique permettant de résoudre beaucoup plus d’équations diophantiennes, l’arithmétique modulaire. L’idée de Gauss est de s’intéresser non plus aux nombres eux-mêmes, mais à des classes de nombres. Pour cela, il considère les classes d’entiers ayant le même reste lors de la division euclidienne par un entier donné. Cette nouvelle arithmétique, qui permet de résoudre de nombreuses équations diophantiennes, est à la base de la plupart des algorithmes de cryptologie.

EN RÉSUMÉ

Une équation diophantienne est une équation dont les coefficients sont des nombres entiers et dont on cherche des solutions entières (ou rationnelles). C’est le mathématicien grec Diophante d’Alexandrie qui formalisa ce type d’équations au le siècle après J.-C. Soulevant des problèmes mathématiques particulièrement difficiles, la résolution de ces équations a nécessité la création de nouveaux outils mathématiques, voire de nouvelles branches des mathématiques, comme l’arithmétique modulaire ou la théorie des courbes elliptiques.