Espaces de Hilbert

Les espaces de Hilbert sont nés de l’intuition brillante du mathématicien David Hilbert, celle d’utiliser des méthodes géométriques dans le domaine de l’analyse. Prolongeant ainsi la notion d’espace euclidien, leur étude s’est révélée particulièrement fructueuse, notamment en mécanique quantique.

DAVID HILBERT

David Hilbert (1862-1943) est considéré comme l’un des plus grands mathématiciens du xxe siècle, voire, par certains, de tous les temps. Esprit universel, Hilbert s’intéressa à tous les domaines des mathématiques et y produisit des avancées majeures qui ont marqué les mathématiques jusqu’à l’heure actuelle. On peut évoquer son axiomatisation de la géométrie, sa liste de 23 problèmes énoncée lors du deuxième congrès des mathématiciens en 1900 à Paris, problèmes qui influenceront de manière très forte la recherche mathématique du siècle suivant, son travail sur la métamathématique ou encore la théorie des espaces qui portent aujourd’hui son nom, les espaces de Hilbert. L’une des grandes intuitions de Hilbert est d’avoir conceptualisé l’introduction de méthodes géométriques dans le monde de l’analyse, ce qui aboutira à la découverte d’une nouvelle branche des mathématiques, l’analyse fonctionnelle. Les espaces de Hilbert sont une conséquence de cette idée profondément novatrice.

DÉCOMPOSITION DE FONCTION

Il faut chercher l’origine du concept d’espace de Hilbert dans la question de la décomposition de fonction en séries de fonctions orthogonales. C’est le cas par exemple des séries de Fourier, qui permettent de décomposer des fonctions périodiques suivant des fonctions sinusoïdales. L’espace L2, l’espace des fonctions de carré intégrale, est un espace de Hilbert et est l’espace idéal pour une bonne théorie de Fourier. En effet, dans L2, toute fonction est somme de sa série de Fourier et toute série de Fourier pour somme une fonction L2 (ce résultat n’est pas vrai dans tous les espaces). La construction des espaces de Hilbert permet de décomposer des fonctions arbitraires en séries de fonctions orthogonales. Cette décomposition permet d’étudier des fonctions arbitraires (périodiques dans le cas de Fourier) de manière beaucoup plus simple. Cette possibilité s’appuie sur l’existence de bases de projection des éléments d’un espace de Hilbert, qu’il soit de dimension finie ou infinie.

PRODUIT SCALAIRE ET NORME

La force de la théorie des espaces de Hilbert provient de l’introduction de méthodes géométriques au sein de l’analyse. Et notamment, de l’utilisation des concepts de produit scalaire, de norme, de base et de projection orthogonale. Ces espaces deviennent ainsi un prolongement naturel des espaces euclidiens dans le cas réel et hermitiens dans le cas complexe. Un produit scalaire est une application qui à deux éléments x et y de l’espace associe un réel ou un complexe et vérifiant certaines propriétés (linéarité en x, positivité, antilinéarité en y et nécessité d’être « définie », c’est-à-dire que le produit scalaire de x par x est nul si et seulement si x est nul). Un espace muni d’un produit scalaire est dit préhilbertien. Pour qu’il devienne un espace de Hilbert, il est nécessaire qu’il soit également complet, c’est-à-dire vérifiant une propriété sur les suites de Cauchy. Une fois l’espace muni d’un produit scalaire, on peut définir une norme et une notion de projection orthogonale.

IDENTITÉ DU PARALLÉLOGRAMME

Une fois muni d’un produit scalaire, et donc d’une norme, un espace devient un espace de Hilbert et se trouve doté de propriétés similaires à celles de la géométrie classique dans des espaces euclidiens. Par exemple, les éléments d’un espace de Hilbert vérifient l’identité du parallélogramme. En géométrie euclidienne, cette identité affirme que la somme des carrés des longueurs d’un parallélogramme est égale à la somme des carrés de longueurs des diagonales. Cette propriété se retrouve dans les espaces de Hilbert et constitue même une condition nécessaire et suffisante pour être un espace de Hilbert. Ce résultat est connu sous le nom de théorème de Fréchet-von Neumann-Jordan. La géométrie dans un espace de Hilbert est ainsi très riche, avec l’inégalité de la médiane, l’inégalité de Cauchy-Schwartz ou encore les formules de polarisation, mais aussi la notion d’orthogonalité (deux éléments sont orthogonaux si leur produit scalaire est nul) et celle de projection sur une base hilbertienne.

MÉCANIQUE QUANTIQUE

En mécanique quantique, diverses formulations ont été utilisées afin de décrire les états d’une particule. Ils sont, essentiellement, au nombre de trois : la mécanique ondulatoire, la mécanique matricielle et le formalisme invariant. Et le cadre commun à ces trois formalismes est justement les espaces de Hilbert. Si les deux premiers utilisent des espaces de Hilbert concrets, le formalisme invariant s’appuie lui sur un espace de Hilbert abstrait. La mécanique ondulatoire se construit dans l’espace L2 des fonctions de carré intégrable, les fonctions d’onde. De son côté, la mécanique matricielle s’appuie sur l’espace des suites de carré sommable, noté I2. L’espace de Hilbert utilisé pour le formalisme invariant, totalement abstrait, doit juste posséder une propriété supplémentaire, dite de séparabilité. C’est d’ailleurs en travaillant sur les fondements de la mécanique quantique que le physicien John von Neumann donnera la première définition axiomatique d’un espace de Hilbert en 1927.

EN RÉSUMÉ

Les espaces de Hilbert sont apparus dans les travaux du mathématicien David Hilbert, ce dernier introduisant des méthodes géométriques dans des problèmes d’analyse mathématique. Ces espaces prolongent donc la notion d’espaces euclidiens. Ils sont ainsi dotés d’un produit scalaire, et donc d’une norme, d’une notion d’orthogonalité et de projections orthogonales sur une base (base hilbertienne). Outils très puissant, les espaces de Hilbert sont utilisés dans de très nombreux cas, notamment dans les diverses formalisations de la mécanique quantique.

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