Grâce à ses expériences méticuleuses sur les pois, le moine Gregor Mendel a pu mettre en évidence les trois lois de l’hérédité portant son nom, qui définissent la manière dont les gènes se transmettent de génération en génération. Ses travaux, redécouverts en 1900, permirent de fonder la génétique.
À LA RECHERCHE D’UN MÉCANISME EXPLICATIF
Lorsque Charles Darwin publie sa théorie de la descendance avec modification dans L’origine des espèces, en 1859, il n’a aucune idée de la façon dont les caractères physiques (le phénotype) se transmettent de génération en génération. On ne peut alors qu’observer les manifestations de l’hérédité au travers des expériences de croisement des plantes et des animaux, mais on manque d’un mécanisme explicatif, puisque les gènes ne sont pas encore connus. La théorie la plus répandue est alors celle de l’hérédité par « mélange » du sang. Les caractères d’un individu, pense-t-on, constituent un mélange de ceux de ses parents, dans des proportions énoncées par Francis Galton, le cousin de Darwin: une moitié pour le sang du mâle ou de la femelle à la première génération, puis un quart à la seconde génération, etc. Travaillant sur cette base par essai et erreur, comme le font les éleveurs ou les horticulteurs, les naturalistes ne sont pas en mesure de dégager des lois de l’hérédité valables.
HYBRIDATION ET AUTOFÉCONDATION
C’est dans le jardin d’un monastère de Moravie que Johann Gregor Mendel (1822-1884), un moine tchèque, va mettre sur pied une expérience ambitieuse. Mendel choisit pour modèle un petit pois (Pisum sativum), une plante à fleurs permettant d’obtenir rapidement un grand nombre de descendants et de contrôler l’hybridation. Mendel sélectionne 22variétés différentes dont il choisit d’étudier 7 caractères se présentant sous deux formes aisément reconnaissables afin de pouvoir sélectionner des lignées pures: forme et couleur de la graine, couleur de la fleur, forme et couleur de la cosse, emplacement des cosses et longueur de la tige. Il obtient une première génération d’hybrides (Fl) en déposant le pollen d’une lignée sur le pistil d’une autre lignée dont il a enlevé les étamines pour éviter l’autofécondation, puis laisse l’hybride se reproduire naturellement par autofécondation pour obtenir une deuxième génération (F2). Il s’intéresse d’abord à un seul caractère, puis deux et trois.
LA RÉGULARITÉ MATHÉMATIQUE DE L’HÉRÉDITÉ
Mendel réalisa ainsi plus de 10000 croisements, notant scrupuleusement les résultats qu’il obtenait. En 1866, il publia les résultats de ses minutieux travaux dans un article intitulé Recherches sur des hybrides végétaux, qui n’eut à l’époque aucun écho. En croisant des pois lisses et des pois ridés, par exemple, Mendel s’était aperçu qu’il obtenait une première génération d’hybrides (Fl) tous lisses, ce qui semblait indiquer que le trait ridé avait complètement disparu. À la seconde génération d’hybrides (F2), obtenue naturellement, la majorité des pois étaient encore lisses, mais quelques-uns étaient à nouveau ridés. En multipliant les expériences, Mendel fut en mesure de quantifier ce phénomène. Il s’aperçut que le trait qui disparaissait en Fl réapparaissait dans un rapport constant de 1 pour 3 en F2, et ce quel que soit le trait étudié. Il y avait donc une régularité mathématique sous-jacente qui gouvernait l’hérédité, que Mendel put exprimer sous forme de lois.
LES TROIS RÈGLES DE TRANSMISSION DES CARACTÈRES
Mendel a dégagé trois règles de transmission des caractères, dites lois de Mendel, qui restent une référence malgré des exceptions découvertes ultérieurement. La première (qui ne fut pas énoncée expressément par Mendel) stipule l’uniformité des hybrides de première génération lors du croisement de deux individus homozygotes (avec deux allèles, ou copies de gènes, identiques pour un caractère donné). Cette loi permettait d’invalider la théorie de l’hérédité par mélange (Mendel n’a pas obtenu de pois rayés à moitié, par exemple). La deuxième loi, dite de ségrégation des caractères, stipule que les cellules reproductrices, les gamètes, ne portent qu’un seul allèle de chaque gène (le caractère ridé ou lisse, par exemple). La troisième est celle de l’indépendance des couples de caractères: ceux-ci sont hérités indépendamment les uns des autres et se retrouvent associés en F2 comme s’ils avaient été distribués au hasard. En d’autres termes, les gènes ne sont pas liés les uns aux autres.
LA THÉORIE CHROMOSOMIQUE DE L’HÉRÉDITÉ
Avant même la naissance de la génétique, les lois de Mendel auraient pu permettre de comprendre l’énigme de la variabilité des individus au sein des espèces. Mais Darwin ignora ces travaux, si bien que l’évolution et la génétique évoluèrent séparément durant plusieurs décennies. Il fallut attendre 1900 pour que les lois de l’hérédité soient redécouvertes, indépendamment par trois botanistes, le Néerlandais Hugo de Vries, l’Allemand Cari Erich Correns et l’Autrichien Erich von Tschermak, le premier rechignant à reconnaître ce qu’il devait à Mendel. Parallèlement, les expériences de biologie cellulaire de Theodor Boveri sur le développement embryonnaire de l’oursin et celles de Walter Sutton sur la méiose chez la sauterelle, aboutirent à la théorie chromosomique de l’hérédité, en 1902, qui montrait que (es chromosomes étaient les supports de l’hérédité mendélienne. Le terme « génétique » fut employé pour la première fois par William Bateson en 1905 et celui de « gène » par Wilhelm Johannsen en 1909.
À RETENIR
Les expériences botaniques du moine tchèque Johann Gregor Mendel (1822-1884) sur le pois Pisum sativum sont à l’origine des trois lois de l’hérédité portant son nom et qui fondent la génétique. Il montra que les caractères héréditaires étaient fixes, invalidant le concept de l’hérédité par mélange, qu’ils se transmettaient indépendamment les uns des autres, et que les gamètes ne transportaient qu’une seule version de chaque caractère. Ignorés lors de leur publication, ses travaux furent redécouverts et entérinés au début du xxe siècle.