À la fin du xvi siècle, deux modèles cosmologiques s’opposent, les modèles géocentrique et héliocentrique. Lejeune Kepler décide de publier un ouvrage pour défendre la vision de Nicolas Copernic, théoricien du système héliocentrique. Ce livre dense marque les débuts de la cosmologie moderne. LES DÉBUTS DE LA COSMOLOGIE MODERNE
Jean Kepler publie en 1596 son premier ouvrage intitulé Prodomus dissertationum cosmographie arum continens mysterium cosmographicum {Prodrome aux dissertations cosmographiques contenant le secret du monde’). Dans le demi-siècle qui suit la publication du De revolutionibus en 1543, aucun astronome n’a repris les recherches cosmologiques révolutionnaires de Nicolas Copernic, théoricien de l’héliocentrisme. Il était réservé à un jeune homme, âgé seulement de 25 ans, de prendre directement la succession de Copernic en publiant le Mysterium cosmographicum, Le Secret du monde. Dans cet ouvrage, Jean Kepler, né en 1571 et mort en 1630, se propose d’établir définitivement la supériorité du système copernicien sur tous les autres, en montrant que lui seul s’accordait avec les archétypes dont Dieu avait usé pour mettre en ordre le monde. Livre dense, parfois obscur, Le Secret du monde est un véritable tournant dans l’histoire de la pensée et marque les débuts de la cosmologie moderne.
LA DÉFENSE DE COPERNIC
À la fin du xvie siècle, deux modèles cosmologiques de l’Univers coexistent et s’opposent. Le modèle de Ptolémée, d’un côté, est un modèle appelé géocen-trique, c’est-à-dire que la Terre est fixe au centre de l’Univers, les astres effectuant des mouvements parfaits en forme de cercle autour de la Terre. De l’autre côté, le modèle de Copernic, appelé héliocentrique, propose l’idée que c’est la Terre et les autres planètes qui se déplacent autour du Soleil, ce dernier étant fixe. Kepler est un ardent défenseur du modèle héliocentrique, et pour apporter un argument à la supériorité de ce modèle, il tente de trouver une explication géométrique de l’Univers. C’est cette recherche qu’il raconte dans le Mysterium cosmographicum. Kepler expose une vue générale de l’Univers fondée sur les solides parfaits, retrouvant ici une inspiration platonicienne. Par la suite, l’astronomie ne gardera rien du Secret du monde, mais ce livre met en lumière un immense talent calculatoire.
UN MODÈLE ENCORE FAUX
Si Kepler se présente dans Le Secret du monde comme un copernicien convaincu, en déployant une conception originale, il n’en demeure pas moins que l’agencement des planètes proposé est faux. Il imagine en effet qu’entre les six sphères sur lesquelles se déplacent les planètes dans le système Copernic, des polyèdres réguliers s’insèrent. Ces polyèdres réguliers sont de cinq espèces possibles. Chaque polyèdre, inscrit dans une sphère, est circonscrit à la sphère inférieure. Ainsi le
cube est inscrit dans la sphère de Saturne et circonscrit à celle de Jupiter. Suivent le tétraèdre, la sphère de Mars, le dodécaèdre, la sphère de la Terre, l’icosaèdre, la sphère de Vénus, l’octaèdre et enfin la sphère de Mercure. Après de nombreux calculs, Kepler voit « les solides symétriques s’insérer les uns après les autres avec tant de précision entre les orbites appropriées que si un paysan demandait à quels crochets les deux sont fixés pour ne pas tomber, il serait facile de lui répondre ».
DE FAIBLES REMOUS
En février 1596, Kepler se rend à la cour de son protecteur, le duc Frédéric de Wurtemberg, pour le persuader de faire construire une maquette de l’Univers en forme de coupe. Les symboles des planètes seraient taillés dans des pierres précieuses : un diamant pour Saturne, une hyacinthe pour Jupiter, une perle pour la Lune, etc. La coupe verserait plusieurs breuvages, que des tuyaux dissimulés amèneraient de chaque sphère planétaire à sept robinets placés sur le rebord. Le projet n’aboutit pas. Kepler envoya alors des exemplaires de son ouvrage au printemps 1597 à tous les savants, Galilée et Tycho Brahe en premier lieu. Le livre causa certains remous, pas autant qu’il l’avait espéré, mais tout de même significatifs. Le livre de Kepler contenait les prémices de la cosmographie nouvelle, qui fut saluée par les réactionnaires et rejetée par les modernes. Loin de ces extrêmes, un seul homme comprit le génie de l’ouvrage et les talents de mathématicien de son auteur: Tycho Brahe.
LES LOIS DE KEPLER
Trois ans après l’envoi de son ouvrage, début 1600, Kepler se rend à Prague chez Tycho Brahe. Celui-ci lui a conseillé d’abandonner ses a priori et de travailler sur les résultats d’observations. A son arrivée, Kepler trouve Tycho et son assistant Longomontanus aux prises avec les données de Mars. Il convainc Tycho de lui confier la tâche de déterminer l’orbite de Mars. En 1601, Tycho Brahe meurt et Kepler hérite de sé’s données. Dans le long travail qui l’attend, il est soutenu par une confiance aveugle dans le travail de Tycho. Huit ans plus tard, après avoir recommencé ses calculs soixante-dix fois, Kepler arrive à une solution pour l’orbite martienne. Astronomia Nova paraît en 1609. On y trouve ses deux premières lois. Il replonge dans neuf ans de calculs, jusqu’à ce qu’il découvre la relation entre les dimensions des orbites et leur période qui l’avaient fasciné dès le départ. En 1619, dans Har-monices mundi libri V, il expose enfin la troisième loi, celle qui suggérera à Newton la loi de la gravitation.