L’étude des nombres premiers fait partie de l’arithmétique et a longtemps été considérée comme une étude purement abstraite, sans application pratique. L’avènement de l’informatique et les problèmes de cryptologie ont infirmé cette appréciation et permis d’avancer dans la connaissance de ces nombres.

EUCLIDE ET LE 1

Les premières traces de l’étude des nombres premiers remontent à quelque 300 av. J.-C., avec les travaux d’Euclide. Les nombres premiers constituent les briques élémentaires permettant de fabriquer les nombres. Euclide est le premier à en donner une définition, inchangée depuis : un nombre entier strictement positif est dit « premier » s’il est différent de 1 et s’il n’admet aucun diviseur positif autre que 1 et lui-même. Un nombre qui n’est pas premier est dit« composé ». On remarque immédiatement que 1 n’est pas un nombre premier. C’est une convention choisie par Euclide, qui considérait que 1 n’était pas un nombre (« 1 est ce qui est », écrit Euclide). Cette convention a été conservée, car elle se révèle bien utile pour l’énoncé de certains théorèmes fondamentaux de l’arithmétique. On remarque également avec cette définition que le nombre 2 est le seul nombre premier pair : en effet, tous les nombres pairs, s’écrivant 2n, sont divisibles
par en plus de 1 et d’eux-mêmes.

LA RACINE CARRÉE DE

Un des premiers objectifs des mathématiciens a été de compter le nombre de nombres premiers. Un des premiers résultats importants s’appelle le « crible d’Ératosthène ». Une propriété nous assure que si n est un entier strictement supérieur à 1, alors son plus petit diviseur d strictement supérieur à 1 est un nombre premier. Et de plus, si n est un nombre premier, alors d est inférieur ou égal à la racine carrée de n. En partant de cette propriété, on peut lister les nombres premiers compris entre 1 et non utilisant le crible d’Eratosthène : on écrit à la suite les uns des autres tous les entiers compris entre 2 et n. On entoure le premier 2 et on barre tous ses multiples. On entoure ensuite le prochain nombre, en l’occurrence 3, et on barre tous ses multiples, et ainsi de suite jusqu’à la racine carrée de n. Les nombres entourés sont alors exacte ment les nombres premiers compris entre 1 et n. En 1919, le mathématicien Viggo Brun affinera ce crible avec ce que l’on appelle le « crible de Brun ».

DIVISEURS ET FACTEURS

Le résultat fondamental de l’arithmétique est un théorème puissant qui assure que tout entier supérieur ou égal à 1 peut se décomposer d’une et une seule manière en un produit de nombres premiers (ces derniers étant éventuellement élevés à une certaine puissance), à l’ordre des facteurs près. Ce théorème reste vrai pour le nombre 1 : il suffit de prendre zéro entier pour la décomposition, le produit d’aucun entier étant par convention égal à 1.
Ce théorème permet de décrire explicitement les diviseurs d’un nombre entier n dont on connaît la décomposition en facteurs premiers. On en déduit également une expression du PGCD (plus grand commun diviseur) et du PPCM (plus petit commun multiple) de deux entiers lorsqu’on connaît leur décomposition en facteurs premiers.
En pratique, cette décomposition peut se révéler très compliquée, notamment si le nombre à décomposer est grand. Il existe aujourd’hui un certain nombre d’algorithmes qui produisent de telles décompositions en facteurs premiers.

LA RARÉFACTION DES NOMBRES PREMIERS

Euclide affirme qu’il existe une infinité de nombres premiers. Par la suite, on trouve un certain nombre de résultats qui visent à affiner cette infinité brute de nombres premiers. Ainsi, on a le postulat de Bertrand, qui énonce que pour tout entier n supérieur ou égal à 1 il existe un nombre premier entre n et 2n. Un autre résultat porte le nom de « théorème des nombres premiers » : le nombre d’entiers premiers inférieurs ou égaux à x est équivalent au quotient de x par Inx (In est le logarithme népérien), au sens où le quotient des deux membres tend vers 1 lorsque x tend vers l’infini.
Au sein de cette infinité, nous avons deux résultats sur raréfaction des nombres premiers. Le premier est dû à Euler et affirme que la somme des inverses des nombres premiers tend vers l’infini. Le second a été énoncé par Legendre : l’ensemble des nombres premiers admet une densité limite nulle, autrement dit l’ensemble des nombres premiers compris entre 1 et n est négligeable devant n quand n tend vers l’infini.

UNE REPRÉSENTATION EN SPIRALE

Il est possible de donner une représentation des nombres premiers. La plus célèbre est la spirale d’Ulam. Ulam place les nombres le long d’une sorte de spirale en commençant par placer le 1 au centre, puis en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre. Les nombres premiers semblent s’aligner le long des diagonales, mais la figure obtenue n’a jusqu’à présent pas réellement été explicitée.
D’autres conjectures restent encore à démontrer. La conjecture de Goldbach avance que tout nombre pair strictement supérieur à 2 peut s’écrire comme la somme de deux nombres premiers. Celle de De Polignac affirme que tout entier naturel pair peut s’écrire comme différence de deux nombres premiers consécutifs, et cela d’une infinité de manières. Celle de Legendre stipule qu’il existe au moins un nombre premier entre n2 et (n+1)2.
Si les nombres premiers ont trouvé de nombreuses applications en informatique ou en cryptographie, ils n’en demeurent pas moins, en eux-mêmes, un vaste champ d’investigations.

EN RÉSUMÉ

Depuis Euclide, qui en donna les premières définitions et propriétés, les nombres premiers n’ont cessé de passionner les mathématiciens. Les dénombrer jusqu’à un entier n donné, les utiliser pour décomposer les entiers naturels, montrer qu’il en existe une infinité mais qu’ils se raréfient, les représenter graphiquement, autant de résultats aujourd’hui acquis. Mais il reste à valider de nombreuses conjectures qui devraient faire le bonheur des générations futures d’arithméticiens.