Les trous noirs et les trous de ver

Conceptualisés dès le xvmllle siècle, puis théorisés grâce aux équations de la relativité générale au début du xxelle, les trous noirs ne cessent d’intriguer les physiciens. Leur étude théorique se développe encore, mais seules des observations indirectes permettent de détecter leur présence.

LES PREMIÈRES MODÉLISATIONS

La conceptualisation de l’idée de trou noir remonte au xvme siècle, avec les travaux du géologue britannique John Mitchell. En 1784, ce dernier, s’appuyant sur l’idée que l’attraction universelle décrite par Isaac Newton peut s’appliquer non seulement à la matière mais à la lumière en en déviant la trajectoire, imagine qu’il pourrait exister des astres si massifs qu’ils pourraient capturer la lumière. La force de gravité serait en effet si intense autour de cet astre massif que la lumière ne pourrait s’en échapper. Cette idée sera reprise et développée par le mathématicien et physicien français Pierre-Simon de Laplace quelques années plus tard, ce dernier introduisant le caractère central de ces « astres invisibles », la compacité. En effet, c’est le caractère compact de l’objet (le rapport entre la masse de l’objet et son encombrement extérieur) qui, lorsqu’il est inférieur à une valeur critique, lui donne cette capacité de pouvoir capturer la lumière et de ne rien laisser échapper.

LA SINGULARITÉ DES TROUS NOIRS

La modélisation de ce qui ne s’appelle pas encore les trous noirs va faire un bond avec les travaux d’Albert Einstein. Le principe de base de la relativité générale est que la gravitation qui structure l’Univers s’identifie à la courbure de l’espace temps et est régie par des équations complexes, dont les tentatives de résolution ont entraîné de nombreuses découvertes. Ainsi, dès 1916, l’astronome allemand Karl Schwarzschild a exhibé la première solution exacte de ces équations. Elle correspond à un objet sphérique isolé qui possède une propriété très étrange : lorsque son rayon est suffisamment petit, il ab sorbe toute matière et toute lumière sans rien pouvoir émettre. L’idée de Schwarzschild était de calculer la taille que devait posséder un astre afin que sa vitesse de libération soit égale à celle de la lumière, limite supposée indépassable selon la relativité générale. C’est en l’honneur de cette découverte que la  » surface  » d’un trou noir est définie par ce qu’on appelle le rayon de Schwarzschild.

UN DOUTE SCIENTIFIQUE

Malgré les doutes de la communauté scientifique quant à l’existence réelle de ces objets, et notamment d’Albert Einstein lui-même, leur existence théorique sera confirmée par Robert Oppenheimer en 1939, puis en 1967 par le physicien John Archibald Wheeler, qui introduira d’ailleurs pour la première fois le terme de « trou noir ». Si un trou noir est souvent représenté comme une sorte « d’aspirateur cosmique », il n’en reste pas moins que ce dernier ne capture que ce qui passe très près de lui. Rien ne sera réfléchi ni diffusé en sens inverse, c’est un domaine privilégié qui se détache du reste de l’Uni- vers. De plus, au sein des trous noirs, se cacherait une singularité, c’est-à-dire un endroit où tout devient infini et où les par accrétion de la matière arrachée à un compagnon ou effondrement d’une hypernova.

PREUVES MANQUANTES

L’étude théorique des trous noirs est aujourd’hui très solide et très riche. Mais, du fait de ses propriétés très mystérieuses, comme le fait que rien ne s’en échappe, aucune preuve définitive n’a encore pu être apportée quant à leur existence. Il ne peut s’agir ici, en effet, que de preuves indirectes. Même si la communauté scientifique a peu de doutes, certains physiciens attendent toujours une preuve directe. Si une observation directe est quasiment impossible, les effets d’un trou noir sur son environnement peuvent permettre de le détecter. On se souvient qu’au sein de la relativité générale, la gravitation est identifiée à la courbure de l’espace-temps. Ainsi, plus la masse est concentrée, plus cette courbure est prononcée. Aux abords d’un trou noir, cette déformation est particulièrement importante et donc éventuellement observable. De même, le phénomène de lentille gravitationnelle (courbure du chemin de la lumière) peut permettre la détection d’un trou noir.

LE MODÈLE DES TROUS DE VER

Encore plus théorique que les trous noirs, l’existence des trous de ver est incertaine. Théorisés par le physicien John Wheeler quelques années avant les trous noirs, les trous de ver (wormholes) seraient des sortes de tunnels dans l’espace- temps, permettant de joindre deux régions par le plus court chemin, à l’image d’un ver qui creuserait un tunnel dans une pomme pour la traverser. À l’image du pont d’Einstein-Rosen (solution des équations de la relativité qui serait un raccourci entre des univers parallèles), les trous de ver ne pourraient pas être traversables, du fait des propriétés de la matière. Ils furent l’objet de nombreux travaux, comme ceux du physicien Kip Thorne, qui affirma même qu’il pouvait exister des trous de ver traversables, à condition que l’on dispose d’une matière exotique. Les dernières avancées en physique théorique, comme la théorie des supercordes, pourraient être un cadre privilégié pour une meilleure compréhension de ces objets très énigmatiques.

EN RÉSUMÉ

Conceptualisés au xvme siècle, les trous noirs voient leur existence théorique confirmée au xxe grâce à la théorie de la relativité générale. Considéré comme un domaine de l’espace-temps qui se détache du reste de l’Univers, un trou noir aspire tout ce qui passe près de lui. Rien ne s’en échappe. Ainsi, l’observation directe est quasiment impossible, seuls les effets qu’il provoque sur son environnement peuvent permettre sa détection. Les trous de ver quant à eux, encore hypothétiques, seraient des sortes de tunnels dans l’espace-temps.

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