si le chiffre est l’un des rares objets mathématiques présents dans notre quotidien, nous ne le connaissons pas si bien que cela. Georges Ifrah, dans sa monumentale Histoire universelle des chiffres, nous offre tout ce qu’il y a à savoir sur ces entités primaires et fondamentales des mathématiques.
UNE SOMME DE CHIFFRES
S’il est une notion mathématique que tout le monde connaît et utilise dans son quotidien, ne serait-ce que pour acheter une baguette de pain, c’est bien celle de chiffre, agrémentée de différents moyens de les manipuler, plus ou moins sophistiqués. Mais ce qui est certain également, c’est que nous ne connaissons pas l’histoire de ces chiffres, des systèmes de numération en général, ni des différents types de manipulation qui ont pu exister à travers le temps et l’espace. C’est un voyage extraordinaire au pays des chiffres que Georges Ifrah nous invite à entreprendre avec son Histoire universelle des chiffres. Projet encyclopédique en deux tomes, chacun contenant un peu plus de mille pages, cet ouvrage retrace l’histoire de tous les systèmes de numération et des manipulations des nombres connus utilisés par l’humanité depuis son apparition, jusqu’à l’époque moderne. Publié une première fois chez Seghers en 1981, cet ouvrage fera l’objet d’une seconde édition chez Robert Laffont dans la collection « Bouquins » en 1984.
DES CHIFFRES ET DES CALCULS
L’Histoire universelle des chiffres est composée de deux grandes parties. On commence par l’aventure des chiffres, dans laquelle on peut découvrir la constitution progressive des différents systèmes de numérotation qui ont abouti à cette grande invention, puis on se lance dans l’épopée du calcul, depuis l’utilisation des entailles gravées suides os ou des cailloux en 35 000 av. J.-C. jusqu’à l’invention de l’ordinateur. On y trouvera en particulier un long chapitre, très détaillé et particulièrement intéressant, sur les origines et l’apparition de l’ordinateur, un outil qui nous inteiToge aujourd’hui, notamment sur sa capacité à calculer à notre place. Pour cette partie, Ifrah s’est penché sur l’histoire des calculatrices mécaniques, électroniques, des automates, et enfin des ordinateurs. On notera enfin que les deux tomes de cet ouvrage sont richement illustrés de nombreuses planches, figures et tableaux calligraphiés par l’auteur lui-même. Une table analytique très détaillée complète l’ensemble.
LA GENÈSE DU PROJET
Enfant, dans son Maroc natal, Georges Ifrah n’est pas un bon élève en mathématiques. Par défi, il décide de devenir enseignant dans cette matière. C’est à Montreux, en Suisse, qu’il enseigne, jusqu’au jour où ses élèves lui demandent d’où viennent les chiffres. Incapable de répondre à cette question pourtant basique, et quelque peu lassé d’enseigner, il décide de partir à la recherche de la réponse à cette question. Très rapidement, les chiffres deviennent une véritable passion. Une passion
qui le conduit du Mexique, sur les sites mayas et aztèques, en Chine, en Bolivie, au Pérou ou en Equateur, sur les traces des Incas qu’il rencontre, mais également en Inde, en Egypte ou en Irak, afin de découvrir les civilisations mésopotamiennes. Métamorphosé en rat de bibliothèque, en décrypteur d’archives, en disciple des égyptologues, assyriologues ou encore des préhistoriens, il passe des jours dans les musées, les bibliothèques, accumule des informations sur la manière de compter de ces peuples.
L’ABOUTISSEMENT
C’est en 1977 que Georges Ifrah commence à penser à l’idée d’utiliser tout le matériel récolté pour en faire un livre. Il frappe à la porte des scientifiques et à force de ténacité, Ifrah se crée un réseau d’experts, qui l’aident à compléter son savoir et à contrôler l’état de ses propres interprétations. Au même moment, il contacte l’éditeur Robert Laffont. Un premier livre, Histoire des chiffres, comptant seulement cinq cent soixante-dix pages, paraîtra quatre ans plus tard. Avec cinquante mille exemplaires vendus en sept ans et des traductions dans toute l’Europe, au Japon et aux États-Unis, le succès est honorable. Lorsqu’en 1985, Guy Schoellcr, l’inventeur de la collection « Bouquins », lui propose de compléter légèrement son livre, Georges Ifrah saute sur l’occasion. Mais le perfectionniste, soutenu par sa femme, va prendre son temps. Neuf ans, exactement. Pas question pour lui de laisser une seule connaissance, notamment celles concernant l’Inde, en chemin. Le résultat sera donc une somme de deux mille cent pages.
L’INTELLIGENCE HUMAINE
Comme il souligne lui-même, Georges Ifrah n’a fait que raconter l’histoire de l’intelligence humaine. Et cela l’a transformé en auteur du best-seller le plus improbable du monde de l’édition: deux volumes de mille vingt-quatre et mille cinquante-six pages, sur papier bible, vendus chacun à plus de soixante-quinze mille exemplaires. Malgré ce succès éditorial auprès du grand public, le travail de Georges Ifrah n’a jamais fait l’unanimité auprès de la communauté scientifique. Souvent critiqué pour sa vision quelque peu mystique des chiffres, frôlant parfois la numérologie la plus triviale, ce livre reste tout de même le grand roman de l’inventivité humaine, de l’intelligence humaine qui cherche toujours un autre moyen, plus simple ou plus puissant, de compter le monde. Cet ouvrage est, encore aujourd’hui et avec quelques réserves, le livre de référence quant à l’histoire des systèmes de numération. On peut le lire comme un roman, mais l’utiliser également comme dictionnaire, selon l’envie et les besoins.