Un livre et un procès

Si aujourd’hui la cosmologie peut être la source de très vifs débats, ces derniers restent globalement courtois. Ce ne fut pas toujours le cas. Ainsi, le passage d’un modèle géocentrique à une conception héliocentrique du monde ne se fit pas sans heurts. La vie de Galilée est là pour en témoigner. RÉVOLUTION SCIENTIFIQUE
Le Dialogue sur les deux grands systèmes du inonde fut publié par Galilée en 1632. C’est le manifeste coper-nicien de Galilée, mais aussi l’ouvrage emblématique de la « révolution scientifique ». A l’origine de la condamnation de Galilée en 1633, il est également devenu le symbole de la liberté de la recherche scientifique contre le dogmatisme religieux et philosophique. C’est aujourd’hui à ce titre qu’il faut relire le dialogue de Galilée, non pas en tant que démonstration du système copernicien, mais bien comme un écrit qui ouvre l’ère de la physique moderne – dont il sera surnommé le « père » par Einstein -, qui devient le modèle du courage scientifique et qui donne l’immortalité à Galilée. En effet, né l’année de la mort de Galilée, en 1642, Newton reprendra les travaux de ce dernier pour guider la physique sur des chemins insoupçonnés. Le cardinal Bellarmin avait signifié à Galilée en 1616 qu’il ne pouvait utiliser l’héliocentrisme qu’à titre d’hypothèse. Galilée n’a tenu que seize ans.
UN DIALOGUE ENTRE ANCIENS ET MODERNES
La forme du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde est celle d’un dialogue entre trois interlocuteurs discutant pendant quatre jours des systèmes aristotélicien et copernicien. Simplicio défend les théories d’Aristote, Sagredo est un honnête homme, cultivé et ouvert et Salviati représente les idées nouvelles, dont celles de Galilée. Simplicio est le nom d’un ancien commentateur d’Aristote, alors que Sagredo et Salviati sont les noms de deux amis de Galilée, décédés lorsqu’il rédige son livre. L’ouvrage se divise en quatre grandes parties. La première discute de l’organisation générale de l’Univers. Galilée pose le principe d’un Univers ordonné, soumis partout aux mêmes lois physiques. Dans la deuxième partie, Galilée réfute les arguments contre le mouvement de la Terre. La troisième partie évoque la structure de l’Univers et reprend l’ordre des planètes de Copernic. Enfin, dans la quatrième partie, le savant italien propose une théorie des marées qui sera très critiquée.
UN CONTRAT AVEC L’ÉGLISE
De Prague, Kepler avait envoyé à Galilée son Astronomie nouvelle. Galilée avait déjà des doutes sur le système aristotélicien, il est définitivement convaincu par les démonstrations du savant protestant. D’autant que ses propres observations confortent les hypothèses de Copernic. Prudent, il n’y fait que des allusions dans Le Messager céleste, dans lequel, en 1610, il expose ses découvertes et sa philosophie de la science. En 1623, le cardinal Barberini est élu pape sous le nom d’Urbain VIII. Un rapport de patronage s’instaure entre le pape et le savant. Urbain VIII autorise Galilée à publier un ouvrage exposant les deux systèmes astronomiques, celui d’Aristote et celui de Copernic. Le pape pose deux conditions : Galilée s’efforcera d’être objectif et de ne pas rédiger un plaidoyer en faveur du système héliocentrique, et l’ouvrage devra être édité à Rome. Le livre de Galilée, Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, est imprimé à Florence en 1632. Il fait un triomphe.
LA « TRAHISON » DE GALILÉE
Le pape, dès qu’il a connaissance du contenu du livre, ordonne que l’on arrête de le diffuser. Urbain VIII s’est senti trahi par Galilée qui n’a pas publié son ouvrage à Rome et n’a pas respecté l’équilibre dans la présentation des systèmes cosmologiques. Il se doit de réagir et le procès de Galilée est l’occasion d’affirmer son rôle de chef religieux et politique. Urbain VIII n’abandonne pas totalement Galilée. La commission qui conduit la procédure ne comprend qu’un seul jésuite. Elle est en outre présidée par le propre neveu d’Urbain VIII. Un seul chef d’accusation est retenu contre Galilée: celui de n’avoir pas respecté l’interdiction qui lui avait été faite en 1616 de diffuser les thèses de Copernic. La sentence du 22 juin 1633 prévoit que l’ouvrage est interdit et oblige Galilée à abjurer ses « erreurs ». Il est désormais assigné à résidence dans sa maison de campagne, près de Florence. Galilée se soumet. Il meurt, presque aveugle, dans sa résidence de Florence en 1642.
UN HYMNE À LA LIBERTÉ DE PENSER
L’ouvrage a été écrit sous forme de dialogue en italien, et non en latin comme c’était la tradition pour les textes scientifiques, ce qui souligne la volonté de Galilée d’être le plus largement possible entendu. Galilée pressentait-il les ennuis à venir? Ce qui est certain est qu’il souhaitait que son dialogue circule le plus possible, ce qui sera le cas. Toutefois, en dépit de son caractère fondateur, ce texte ne manque pas de soulever encore des questions essentielles : Galilée a-t-il réussi à « démontrer » la vérité du système copernicien, pouvait-il le faire, ou a-t-il même eu l’intention de le faire ? À défaut d’offrir une véritable démonstration, comment est-il parvenu à convaincre ses lecteurs de la vérité du système copernicien ? Si les chercheurs continuent à chercher les réponses dans le texte de Galilée, le Dialogue peut se lire toujours de manière philosophique, comme un très bel hymne à la liberté de penser et un magnifique combat pour défendre les idées auxquelles on croit.

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