Père de la physique nucléaire, le Britannique Ernest Rutherford a découvert les différents types de rayonnements émis par les éléments radioactifs, ainsi que les principales caractéristiques de leur désintégration en d’autres éléments, qu’il a exposées dans sa théorie de la radioactivité en 1903.

L’URANIUM EXPOSÉ

En 1896, le physicien français Henri Becquerel découvrit accidentellement un nouveau phénomène. Des cristaux non exposés à la lumière pouvaient impressionner une plaque sensible: ils émettaient un rayonnement capable de traverser le papier. À chaque fois, l’uranium était présent dans tous ses échantillons. Plus importante était la concentration en uranium et plus longue l’exposition, plus fort était le rayonnement. Sa découverte des « rayons uraniques » fit sensation, mais physiciens et chimistes s’interrogèrent: comment des atomes d’uranium vieux de milliers d’années pouvaient-ils émettre constamment sans s’arrêter de l’énergie? Cela violait le principe de conservation d’énergie. Dans un article du 18 juillet 1898, Pierre et Marie Curie baptisèrent radioactivité cette émission continue d’énergie des atomes d’uranium, mais la question de son origine restait en suspens. C’est là qu’entra en scène un physicien qui s’intéressait vivement à cette source d’énergie mystérieuse…
L’EXPÉRIENCE D’ERNEST RUTHERFORD
Ernest Rutherford (1871-1937) était originaire de Nouvelle-Zélande. Il avait manifesté très tôt son génie pour l’expérimentation et obtenu des succès scientifiques qui lui permirent de terminer ses études à Cambridge. En 1898, il fut nommé professeur à l’université McGill de Montréal où il se consacra à la radioactivité. En 1899, il publia les résultats d’une expérience décisive. En couvrant ses échantillons d’uranium avec des feuilles métalliques d’épaisseurs différentes et en mesurant le courant qui passait entre deux plaques chargées placées de part et d’autre, il put déduire que l’uranium émettait deux radiations distinctes. Certains rayonnements, dits alpha, étaient arrêtés par une faible épaisseur de matière (une feuille de papier). D’autres, les rayons bêta, pouvaient traverser plusieurs centimètres de carton. En 1900, Paul Villard découvrit un troisième type de rayonnement, plus pénétrant encore, les rayons gamma. L’origine de la radioactivité commençait à être percée.
LES TROIS TYPES DE RADIATIONS
Ainsi que Rutherford et Villard purent le mettre en évidence, il existe trois types de radiations émises par des atomes radioactifs, appelées alpha, bêta et gamma. Les rayons alpha sont une forme de rayonnement émis par des noyaux instables de grande masse atomique. Ils sont constitués de deux protons et deux neutrons combinés en une particule identique au noyau d’hélium. Étant lourdes, ces particules alpha dissipent leur énergie dans des collisions avant de pouvoir aller très loin, ce qui explique qu’elles puissent
être arrêtées par une simple feuille de papier. Les particules bêta sont chargées négativement. Très légères, elles peuvent aller plus loin que les particules alpha, mais sont stoppées par du métal, tel que l’aluminium utilisé par Rutherford dans son expérience. Les rayons gamma sont des ondes électromagnétiques hautement énergétiques. Ne transportant aucune masse, elles sont difficiles à arrêter autrement qu’avec des blocs de matière denses (béton ou plomb).
LA NOTION DE DEMI-VIE
Avec l’aide de Frederick Soddy (1877-1956), démonstrateur de chimie à McGill, Rutherford poursuivit ses études sur la radioactivité et élabora une théorie de la radioactivité en 1903. En étudiant le thorium, il démontra que cet élément se désintègre suivant une loi de décroissance exponentielle en une série d’autres éléments. C’était une remise en cause du concept d’indestructibilité de la matière (Pierre Curie savait que ses échantillons perdaient de la masse, mais pensait que les atomes ne changeaient pas de nature). Rutherford identifia aussi la demi-vie, c’est-à-dire la durée nécessaire pour que la moitié des noyaux radioactifs se désintègrent, comme une des caractéristiques importantes de la radioactivité. Il estima aussi que le dégagement d’énergie dû aux désintégrations nucléaires était très supérieur à celui d’une réaction chimique et pouvait expliquer l’énergie du Soleil ou la température constante du noyau de la Terre, laissant entrevoir le potentiel de l’énergie atomique…
LA NAISSANCE DE L’ÈRE ATOMIQUE
En 1908, Ernest Rutherford obtint le prix Nobel de Chimie pour ses recherches sur la désintégration des éléments et la chimie des substances radioactives. Ce qui ne le satisfit pas puisqu’il plaçait la physique au-dessus des autres sciences, reléguées au rang de la philatélie! Mais il n’en avait pas fini avec l’atome. Devenu professeur à l’université de Manchester en 1907, il parvint à prouver que les particules alpha étaient des atomes d’hélium débarrassés de leurs charges négatives. Puis, en 1911, ses recherches sur la diffraction des particules alpha et la structure de l’atome le conduisirent à sa plus importante hypothèse scientifique: le noyau atomique. Au centre de l’atome devait se trouver un noyau contenant presque toute la masse et toute la charge positive de l’atome. La théorie de l’atome de Rutherford fut corroborée expérimentalement et les développements de la théorie quantique permirent de lever les dernières objections théoriques. L’ère atomique était née.
À RETENIR
• Le physicien et chimiste britannique d’origine néo-zélandaise Ernest Rutherford (1871-1937) fut un des pionniers de l’étude de la radioactivité. Ses nombreuses expérimentations le conduisirent à découvrir deux des trois rayonnements ionisants émis par les éléments instables, les particules alpha et bêta, puis à bâtir une théorie de la radioactivité, dans laquelle il démontrait qu’elle consistait en une désintégration des éléments instables en d’autres éléments. Ces travaux allaient le mener à la découverte du noyau atomique.