La théorie des categories

Développée dans les années 1940 pour la topologie algébrique, la théorie des catégories est une théorie très abstraite qui étudie les structures et leurs relations. Elle s’est petit à petit imposée comme un outil indispensable, jusqu’à être présentée comme une fondation possible des mathématiques.

STRUCTURE ALGÉBRIQUE ET APPLICATIONS

La théorie des catégories est une branche des mathématiques qui permet de généraliser les concepts de « structure algébrique » et d’« applications » conservant cette structure, comme les espaces vectoriels et les applications linéaires ou les groupes et leurs homomorphismes. Elle a été développée dans les années 1940 par les mathématiciens Samuel Eilenberg et Saunders Mac Lane, puis propagée par Alexander Grothendieck dans les années 1960. Même si elle demeure très abstraite, cette théorie est devenue aujourd’hui un outil fondamental dans les mathématiques, notamment en algèbre, en géométrie algébrique ou en topologie algébrique. Il faut noter cependant que cette théorie a suscité de nombreux débats philosophiques (d’ordre épistémologique) au sein de la communauté mathématique. C’est d’ailleurs sur une querelle épistémologique que Grothendieck quitta le groupe Bourbaki, ce dernier refusant d’adopter le langage catégoriel et l’idée de fonder les mathématiques par la théorie des catégories.

ENSEMBLE DE MORPHISMES ET STRUCTURE

Une catégorie C est constituée de trois éléments. Tout d’abord, il faut une collection d’objets X. Ensuite, pour deux objets X et Y, il faut un ensemble de morphismes (applications d’un ensemble dans un autre, qui conservent la structure) de X dans Y. Si f est un tel morphisme, on dit que X est la « source » de f et Y le « but » de f. Enfin, il faut une loi de composition (la composée d’un morphisme de X dans Y et d’un morphisme de Y dans Z donne un morphisme de X dans Z). De plus, cette loi doit satisfaire deux propriétés: l’existence d’un morphisme identité (la composée d’un morphisme et de l’identité donne le morphisme lui-même) et l’associativité. Un exemple très simple de catégorie est celle dont les objets sont les ensembles, dont les morphismes sont les applications et dont la composition se fait de manière habituelle. Les espaces topologiques et les applications linéaires en sont un autre. Grothendieck pensait même que toutes les mathématiques pouvaient s’écrire en langage catégoriel.

CATÉGORIE PETITE OU CATÉGORIE FINIE ?

On peut définir un certain nombre d’objets à partir de la définition basique de « catégorie ». Par exemple, une catégorie sera dite « petite » si ces objets sont des ensembles, et « finie » s’il y a un nombre fini de morphismes (et donc d’objets). On obtient également les notions de sous-catégorie, de catégorie produit, de catégorie duale, de plongement diagonal, de noyau, etc. Mais l’un des outils centraux de la théorie des catégories est la notion de foncteur. Elle permet de faire des catégories elles-mêmes une catégorie. Un foncteur est ainsi une opération qui associe à tout élément d’une catégorie un élément d’une autre catégorie et à tout morphisme de la première catégorie un morphisme de la seconde. Les foncteurs permettent donc de définir une nouvelle catégorie dont les objets sont les catégories et les morphismes les foncteurs. Le foncteur est un concept essentiel de la théorie des catégories, car il réalise le transfert d’information entre catégories, le passage d’un territoire à un autre.

LES DIAGRAMMES COMMUTATIFS

Si on peut considérer les foncteurs comme des morphismes de morphismes (des opérations qui associent un morphisme à un autre morphisme en préservant la structure), les transformations naturelles se présentent alors comme une étape de plus dans la généralisation. En effet, une transformation naturelle associe un foncteur à un autre foncteur et peut ainsi être vue comme un morphisme de morphismes de morphismes. C’est d’ailleurs l’étude de ces transformations qui intéressait les fondateurs de cette théorie, car ils y voyaient un outil puissant pour approfondir notre connaissance des liens qui existent entre différentes théories, notamment entre la topologie et l’algèbre. Enfin, pour étudier ces transformations, il faut définir les diagrammes commutatifs. On considère pour cela une catégorie quelconque C et une petite catégorie I. Un diagramme commutatif de base I dans C est un foncteur D de I dans C. Alors, un morphisme entre deux diagrammes commutatifs est une transformation naturelle.

UN AUTRE FONDEMENT DES MATHÉMATIQUES?

Si la théorie des catégories s’est imposée, notamment grâce au formidable travail de Grothendieck, comme un outil puissant de compréhension des mathématiques du point de vue des structures et de leurs relations (elle a permis notamment de grandes avancées en géométrie algébrique), elle interroge encore aujourd’hui par son aspect philosophique. En effet, Grothendieck y voyait la meilleure théorie pour fonder les mathématiques. Aujourd’hui, les mathématiques sont fondées axiomatiquement sur la théorie des ensembles, c’est- à-dire que l’on peut les déduire d’un groupe d’axiomes de la théorie des ensembles. Mais on peut imaginer d’autres manières de fonder les mathématiques, comme un fondement conceptuel (en faire ressortir et décrire les concepts fondamentaux et leurs articulations, comme un langage universel). Pour ce dernier, la théorie des catégories est un bon candidat. Ce débat sur la fondation des mathématiques, bien vivant, est un sujet majeur pour l’avenir des mathématiques.

À RETENIR

La théorie des catégories est née dans les années 1940 afin de développer la topologie algébrique. Elle est devenue un langage universel pour les mathématiques grâce aux travaux de Grothendieck dans les années 1960. Son objet est l’étude des structures et de leurs relations. C’est une théorie très abstraite mais qui est devenue un outil indispensable des théories mathématiques modernes. L’idée de l’utiliser pour fonder les mathématiques fait encore l’objet de vifs débats.

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