Nous aimons faire preuve de cohérence : cela signifie que nous aimons agir en accord avec nos pensées. Nous apprécions aussi cette qualité chez les autres : il n’y a rien de plus déplaisant qu’une personne ne respectant pas ses convictions. Mais que se passe-t-il quand il y a incohérence ?

ATTITUDES. ACTIONS ET COGNITIONS

Pour pouvoir comprendre ce concept de dissonance (ou discordance) cognitive, il faut d’abord comprendre la distinction entre attitude, action et cognition. L’attitude d’une personne est un ensemble de sentiments et d’intentions qui la prédisposent à agir d’une certaine façon. Nos attitudes sont très dépendantes de nos cognitions/ croyances. Si, par exemple, vous pensez vous être fait arnaquer lors de l’achat de votre voiture (cognition), vous serez certainement en colère et voudrez vous défendre (attitude). Du coup, vous demanderez peut-être au vendeur de la reprendre (action). En règle générale, nous faisons en sorte que nos attitudes, nos actions et nos cognitions soient cohérentes. D’ailleurs, si on vous le demande, vous direz naturellement que vous avez l’habitude d’agir en accord avec ce que vous pensez et ce que vous ressentez. Mais ce n’est pas toujours vrai. Nos attitudes, nos intentions, nos opinions, nos cognitions peuvent même être diamétralement opposées à nos actions !
FAIRE L’INVERSE DE CE QUE L’ON PENSE
Le problème, c’est que nos attitudes, nos intentions, nos sentiments ne sont pas de très bons indicateurs pour prédire nos comportements: on peut donc avoir une pensée ou des sentiments et faire l’inverse de ce que l’on pense. Par exemple, si vous décidez de faire un régime pour perdre dix kilos, on peut s’attendre à ce que vous arrêtiez de manger des aliments gras et sucrés et de boire de l’alcool. Cependant, celles et ceux qui ont déjà fait un régime le savent, il y a malheureusement de fortes chances que vous vous retrouviez à un moment donné en train de manger des cacahuètes, tout en buvant un verre de vin avant de manger une raclette chez des amis… Pourtant, vous le savez très bien : les cacahuètes, le vin et la raclette ne sont pas indiqués dans votre régime. C’est cet écart entre ce que vous pensez (« l’alcool et la nourriture grasse me sont interdits ») et ce que vous faites qui est l’origine de la dissonance cognitive.
RATIONALISER NOS CHOIX
Dans le cas du régime, la dissonance cognitive correspond donc à la tension psychique ressentie alors que vous mangez des cacahuètes, car vous ne respectez pas vos engagements. On pourrait penser que cette tension vous pousserait à arrêter d’en manger pour demander des aliments plus sains. Mais en général, ce n’est pas ce qui se passe. Vous allez, au contraire, dans la majorité des cas, justifier votre comportement plutôt que le modifier, le rationaliser d’une certaine manière.
Ainsi, au lieu d’arrêter de manger ces mets, vous direz plutôt « de toute façon, j’ai déjà craqué pour du chocolat hier, donc c’est fichu » ou « allez, je peux me permettre un repas normal de temps en temps », ou encore « bon, ce n’est pas si grave, j’ai encore quatre mois pour perdre ces dix kilos avant le mariage… ». La théorie de la dissonance cognitive nous enseigne cela : quand on agit en contradiction avec nos convictions, la tension qui en résulte modifie plus souvent les convictions que les actions.
UNE PRESSION SOCIALE IMPORTANTE
Pourquoi n’arrivons-nous pas à agir en cohérence avec nos intentions ? Le plus souvent à cause d’une certaine pression sociale. Dans l’exemple précédent, le fait d’avoir accepté ce dîner sans préciser que vous étiez au régime a grandement facilité l’entorse future faite à vos règles. Vous auriez pu prévenir votre hôte, mais cela l’aurait conduit à changer son menu, ou vous auriez dû amener votre propre nourriture. Vous auriez également dû refuser les verres de vin, etc.: vous auriez été obligé d’agir différemment du groupe, ce qui est une démarche encore plus difficile que de renier vos convictions. On n’y pense pas, mais la « pression sociale » liée à un dîner est très forte: il est considéré comme « impoli » ou excluant d’amener son propre repas ou de refuser un apéritif. D’ailleurs, si c’est votre chef qui vous invite, ou les amis de la personne que vous aimez (que vous n’avez encore jamais rencontrés), vous aurez d’autant plus envie de faire comme les autres.
EN PRATIQUE
Nous avons tous tendance à nous justifier après avoir fait un choix contraire à nos pensées, cela nous rassure, nous apporte du confort psychologique. Les professionnels de la vente ou les as de la manipulation le savent. Si vous rentrez dans un magasin parce que vous avez vu dans une publicité une lampe à -50 %, mais que finalement la lampe est à -30 % seulement, il y a de fortes chances que vous l’achetiez quand même (c’est ce que l’on appelle l’effet d’engagement, ou encore la technique du doigt dans l’engrenage). Mais pire, si on s’étonne de votre achat, vous justifierez votre comportement, en disant par exemple « oui, mais bon, j’aimais vraiment cette lampe », ou « de toute façon, il m’en fallait une, donc comme j’y étais… », ou même « j’ai dû me tromper, ce n’était pas 50 mais 30 %de réduction sur la publicité… » Comme quoi, quand on y réfléchit a posteriori, on fait toujours les choses pour une très bonne raison !
À RETENIR
• La dissonance cognitive est la tension psychique qui résulte d’un conflit entre notre attitude ou nos cognitions et notre comportement, quand on ne fait pas ce que l’on dit. Cette situation est due le plus souvent à une certaine pression sociale, qui nous pousse à agir en désaccord avec ce que l’on pense vraiment. Le plus étonnant est que cette tension, très inconfortable, nous pousse non pas à modifier le comportement discordant, mais à modifier nos cognitions et nos croyances pour qu’elles soient plus en accord avec nos actes.